Avant tout, une petite précision sur la structure du bouquin s'impose...


L'ouvrage se compose de deux parties: la première est la réédition d'un recueil de nouvelles publié une première fois en 1940 se voulant comme une série de souvenirs du jeune Jimmy Toscana (et non Dago Red comme l'indique le titre, bien que cela semble faire référence à son surnom puisque "dago" est un terme péjoratif désignant l'italien au même titre que "rital" comme nous pouvons l'apprendre dans L'odyssée d'un rital), souvenirs qui se déclinent de la jeune adolescence à l'âge adulte vers la fin de la première partie (Foyer, doux foyer, la colère de Dieu et Je vous salue Marie).
La deuxième partie - Nouvelles ultérieures - est plus courte et également plus hétéroclite. Composée de sept autres nouvelles qui se permettent de donner la parole à d'autres personnages certes mais qui se répètent franchement avec la première partie. Déjà que Fante n'explose pas les sphères de la nouveauté avec un Dago Red qui le cousin germain de Bandini écrit deux ans plus tôt - j'y reviendrai plus tard - le retour sempiternel des thèmes et, surtout, des intrigues rend la fin de l'ouvrage un peu longue et lassante, fin que j'ai - en toute honnêteté - abandonnée pour les trois dernières nouvelles. Je n'y reviendrai donc pas.


Comme je l'ai dit, je venais de terminer Bandini que je me suis empressé de lire Le vin de la jeunesse, plus par logique hasardeuse que celle de respecter la chronologie du cycle du Quator Bandini. J'y ai retrouvé certaines similitudes qui étaient parfois de l'ordre de la symétrie: le père autoritaire maçon et détestant la neige, la mère bigote, l'adolescence turbulente, la passion du base-ball, le rejet de la discipline ecclésiastique malgré une foi profonde et la crainte du jugement divin, le Colorado perdu, le rapport difficile aux origines bien évidemment et quelques autres. Même certaines références à Demande à la poussière se retrouvent dans l'épisode du tremblement de terre à Los Angeles et le mysticisme développé par Arturo/Jimmy suite à celui-ci.


Alors certes la pauvreté, ses origines italiennes, la vie familiale ou encore le catholicisme sont des thèmes chers à Fante que l'on retrouvera développés à l'usure dans ses ouvrages. L'auteur brode avec ses souvenirs d'enfance quitte à risquer la redite jusque dans un seul et même livre (mais est-ce bien sa faute ou celle de l'éditeur qui, en 1985, a choisi d'associer deux recueils de nouvelles très proches?), mais il le fait avec une telle virtuosité et un tel génie dans le style que la redondance est bien légère face à sa capacité à ressusciter l'ambiance de l'Amérique de l'ouest de la première moitié du vingtième siècle et exprimer les sentiments les plus contradictoires et les plus attachants dans ses personnages. Ici la spécificité du récit découpé en plusieurs nouvelles différentes abandonne l'idée d'une trame narrative solide mais permet la diversité dans les thèmes abordés, offrant alors un complément heureux à l'ambiance déclinée dans Bandini. Dans le langage cinématographique, nous parlerions d'une série dérivée ou d'un spin-off...


Enfin la narration exclusivement centrée sur le personnage adolescent de Jimmy permet une approche plus décalée, drôle et directe qui fait du recueil de John Fante une oeuvre particulièrement bien réussie malgré les redondances inévitables.

BenoitBarbibul
7
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le 27 déc. 2018

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Benoit Barbibul

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