L'homme et la forêt
De cet ouvrage, je ne connaissais que le nom. Parfois il faut faire un effort pour partager avec d'autres son ressenti. J'appartiens à un forum consacré à l'art en général et à la littérature en...
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le 24 déc. 2010
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Le jeune Antonio José Bolivar quitte ses montagnes péruviennes pour se faire colon en Amazonie, là où on lui offre une terre à déboiser. Mais le paradis promis jusque dans l’ironique toponyme de ce trou perdu dans l’immensité verte de la forêt – El Idilio – est en réalité un enfer. Après de dramatiques déboires, il abandonne bientôt toute velléité de dompter la nature et choisit plutôt de s’adapter à elle en assimilant l’ancestrale expérience des Indiens Shuars.
Mi-conte, mi-récit d’aventures, le texte fascine d’emblée son lecteur, au gré de dépaysantes péripéties qui nous font d’abord passer des rêves du gringo blanc à son désenchantement désespéré au contact d’un environnement hostile et incontrôlable. Contrairement à ses semblables, Antonio José Bolivar accepte de plier et de changer, admiratif et curieux de la manière dont les Shuars réussissent, eux, à vivre heureux dans cet environnement dont ils ont appris à tirer le meilleur parti. Cette acclimatation s’accompagne d’un complet changement de regard. Désormais, c’est entre raillerie et désapprobation que l’on observe les nouveaux arrivants, passant du rire devant le ridicule de leurs comportements inadaptés, à la consternation face aux destructions engendrées à la longue par leur persévérance et leur nombre. Car, aussi insensée et risible soit-elle, et même si certains y laissent la vie, la cupidité finit par grignoter la forêt, détruisant aveuglément ce territoire volé à la vie sauvage et aux Shuars.
Finalement, lui qui se sera efforcé sa vie durant « de mettre des limites à l’action des colons qui détruisaient la forêt pour édifier cette œuvre maîtresse de l’homme civilisé : le désert », ne pourra que mesurer tristement l’étendue des dégâts. Alors que la jungle amazonienne cède de plus en plus de terrain, menaçant les Shuars comme la fonte de la banquise les ours polaires, ne reste plus, au vieil homme qu’est devenu Antonio José Bolivar, que l’évasion vers le paradis artificiel des romans à l’eau de rose qu’il affectionne depuis qu’il a, sur le tard, appris à lire avec émerveillement.
L’humour du désespoir anime ce bref et émouvant roman, façonné par l’engagement écologique de l’écrivain, qui, ayant partagé un an le mode de vie des Indiens Shuars en Amazonie, a pu mesurer de près l’impact de la colonisation de leur territoire. Après avoir ri et tremblé, c’est le coeur serré que l’on referme cette ode magnifique à la nature et à la diversité des rapports aux mondes. Car, comment ne pas voir dans l’ultime combat perdu d’avance du valeureux jaguar de cette histoire, la lutte désespérée, et souvent réprimée dans la violence, des peuples d’Amazonie pour la reconnaissance de leurs droits ? Coup de coeur.
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Créée
le 3 mars 2023
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