On n'en viendra pas à bout.
Cela peut-être la première pensée qui atteint le futur lecteur de cette intégrale. Et pourtant, il y a le frisson. D'abord, celui de la nouveauté. L'idée d'une collaboration entre King le Dieu et Peter Straub - que je ne connaissais pas, pour ma part -, d'un renouveau quant au style d'écriture et à la rencontre de deux imaginaires, avait de quoi offrir mille promesses, tout en proposant une expérience risquée aux aficionados du maître de l'épouvante.
Pari tenu, défi relevé, avec génie. Et pourtant, cela ne va pas sans mal.
On peut parfois déplorer la première (et plus importante) partie poussive de cette saga condensée. Si l'on rentre quasi-immédiatement dans l'histoire aux côtés de Jack Sawyer (pour un peu que pour ayez aimé Lost, vous ne pourrez alors pas vous défaire du spectre de Josh Holloway dans votre esprit), la mise en place est longue et nécessaire à la fois. On traîne, mais on s'enrichit également. Un millier de détails se profile entre les lignes, nombreuses et toutes plus travaillées les unes que les autres. Les bonhommes savaient où ils allaient, et ils n'y sont pas allés de main morte. Au travers des références à Tolkien, des sempiternelles obsessions de King pour le cancer, fléau du siècle, et enfin la puissance nucléaire et ses ravages, l'œuvre flirte à la fois avec un univers connu de ses lecteurs, tout en y instillant quelques gouttes de nouveauté.


La présentation des dimensions parallèles est aussi audacieuse que dotée d'une réflexion profonde et bienveillante sur l'humanité, les fils du destin et l'existence, peut-être, d'une âme sœur qui nous attend tous, dans ce monde ou dans un autre. Les sentiments comptent, en permanence. Entre mère et fils, entre père et fils, entre amis, surtout. Les sentiments, perpétuellement menacés par le spectre d'un sexe non-consenti. On pourra s'étonner de mentions multiples, notamment en ce qui concerne l'œil d'un adulte sur le corps innocent d'un enfant. Oui, les personnages pédophiles et concupiscents jalonnent l'histoire, et l'enfance est ici placée sur un piédestal triomphant, mais rarement excessif. L'ode préfère s'attarder sur la valeur de l'esprit pas encore corrompu par l'argent, par le charnel, sans jamais pourtant en omettre les failles.
A l'image d'un Frodon et d'un Sam, d'un Legolas et d'un Aragorn, loyaux et fidèles par-delà les épreuves, Jack et Richard, Jack et Wolf ou encore Jack et Henri émeuvent par des amitiés souvent ambiguës, mais jamais concrétisées. Les rôles féminins, quoique moins nombreux, n'en demeurent pas moins farouchement décidés à positionner la Femme comme le maillon essentiel de la Vie dans toute sa splendeur. La dévotion déposée aux pieds de la Mère toute puissante, l'amour immédiat dont s'éprend Jack envers Sophie, la promesse à la fois bourrée d'espérances et tout aussi inquiétante qui clôt le roman... autant de déclarations aussi spontanées qu'imprévisibles envoyées à tout lecteur acceptant de se laisser prendre au jeu.


Des mois de lecture ne suffisent pas pour se lasser. On est séduit par un style toujours aussi efficace, percutant. Même si la seconde partie a emporté mes préférences (bien plus sombre, bien plus angoissante et par la même bien plus proche des œuvres de Stephen King), sans la première, elle n'aurait pas eu la même saveur. La construction du récit est irréprochable, et le fil du destin qui se dévide derrière Jack Sawyer n'en est que plus impressionnant.


On aime, on sourit, on frissonne et on éprouve, surtout, la tessiture si particulière des émotions de l'enfance perdue.

SerenJager
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le 9 déc. 2016

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