Nous retrouvons dans ce roman, par instant évidemment, le même style à la fois drôle, éblouissant… par instant je répète… Évidemment, Pierre Lemaitre n'a pas vécu dans les années 50 ou plus exactement à cette époque il était un bébé puis un jeune garçon issu d'une famille modeste.. Comme moi d'ailleurs, car nous avons 2 ans de différence. Donc cette époque, je la connais. Dans ce dernier opus l'auteur continue de peindre et dépeindre ce petit monde des années 50. une frange d'individus semble-t-il toujours en difficulté dans notre France d'après guerre,, comme si, ailleurs dans le monde. tout était parfait et admirable. Mais ce qui me gêne particulièrement dans cet opus, ce sont encore les longueurs, les jeux de mots faciles, les situations parfois grotesque qui ressemblent à un théâtre de boulevard. Le style quant à lui est toujours le même, parfois agréable et comique gouailleur, cru, alerte, mais souvent sinistre. Et je ne crains pas de rapprocher « cette saga » des romans de Zola, mais hélas sans le style si particulier et faussement « naturel » qui a fait le succès de naturaliste, succès qui n'est en fait que « la récompense » naturelle de son génie. Alors l'histoire en elle-même, avec tant de divergences, de détails sans grande consistance, ce couple des années à l'aube des fameuses trente glorieuses, ces digressions et ces « trouvailles » ne m'ont guère convaincue, il y manque un esprit critique et un travail de recherche approfondi sur l'époque et sur la psychologie des personnages, En fait on ne peut s'identifier à aucun protagoniste. En revanche les prises de positions affichées par l'auteur et ses dénonciations en creux m'exaspèrent une fois encore. Je passe aussi sous silence ses déclarations au sujet de la police qui tue, selon lui. Ben voyons ! Aujourd'hui les auteurs « engagés » (et malheureusement il y en a de plus en plus) sont à la recherche des petits faits historiques plus ou moins scandaleux, plus ou moins vrais, plus ou moins intéressants, de fait sans valeur littéraire, sans intérêt historique ou sociologique. Ainsi cet accablement devant la création de tous ces grands barrages qui ont causé à la faune et la flore des désagréments certes, de même qu'aux habitants de ces régions sinistrées. D'abord cela n'est pas vraiment prouvé que ce fut pour mère Nature un désastre, et s'il y avait une remarque à faire c'eût été de parler du barrage de Malpasset qui s'effondra et coûta la vie à bien des habitants de Frejus, je me souviens parfaitement de cette catastrophe, je n'avais que 10 ans. Lemaitre aurait pu en faire quelque chose de pénétrant et faire ainsi revivre des êtres et des pensées et émotions oubliées, mais… silence… Il a préféré mettre l'accent sur d'autres points litigieux et surtout écologiques (car il est je crois, écolo à ses heures). Je ne me trouve guère étonnée encore qu'il ait parlé des femmes et des accablements qui étaient leur pain quotidien. L'avortement était interdit. On peut se demander pour autant si les femmes de cette époques étaient plus heureuses que celles d'aujourd'hui…. J'ai vu mes grands mères et ma mère et bien d'autres femmes très heureuses, avec ou sans enfants, travaillant parfois rudement, mais peu plaintives de leur sort. Jadis les femmes étaient les femmes fortes de l'Evangile », dures à la tâche et courageuses. Il y avait peu de « dépressions nerveuses »… leurs enfants étaient bien élevés et avaient de bonnes notes en classe, l'orthographe leur était acquise sans problème… Mais quid aujourd'hui ?Je reprocherai ainsi à Lemaitre « cette colère » déversée sur notre France en lambeaux après la dernière guerre. On le sait Annie Ernaux et ses platitude littéraires et ses histoires d'avortement, de femme et de mère et de prof inaboutie, tous ses pauvres tracas injustes ont profondément marqué Pierre Lemaitre. Elle lui fut d'un grand secours dans ses écrits et idées littéraires.De là en faire un roman pot-brouille ou pot-bouille, c'était très facile et voici donc un roman-cliché qui dénonce une fois de plus les accablements multiples des ménagères travailleuses et mères de famille, ouvrières, etc, qui ont subi des injustices de la part des hommes sans scrupules. Encore une fois je ne me rappelle pas avoir vu tout autour de moi des « travailleuses » harcelées par leurs supérieurs et moins encore des femmes négligées, mal habillées, avec les cheveux gras et des taches sur leurs vêtements. Des femmes simples, certes, qui sentaient bon la savonnette Cadum ou Camay, cela oui, je l'ai vu et senti. Pierre Lemaitre n'a pas fini de dénoncer les travers de cette pauvre France déjà bien déchirée et meurtrie à l'heure actuelle, J'aimerais bien, Monsieur Lemaitre, que vous retourniez défouler votre colère dans les thrillers, comme vous le faisiez si bien, ou plus ou moins bien, avant de faire de la littérature « blanche ». Vous aviez le don de nous faire rire tout en nous faisant peur, comme dans Robe de marié. Vos romans policiers et thrillers étaient innocents. Vous ne portiez pas de jugement. Laissez la guerre et la violence dans l'imaginaire, ne revenez pas sur les lieux des désastres et des larmes que la plupart d'entre nous ont réellement vécus. Et si vous n'avez pas dans 20 ans le Prix Nobel de littérature, ce n'est pas grave. Notre belle France de jadis ne mérite pas qu'on l'entoure de vilenies et d'injustice. Elle qui fut si belle, si grande, si généreuse, si forte aussi. Amen. 

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le 10 sept. 2023

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