Oscar Wilde a sillonné les universités afin d'expliquer la théorie de l'Esthétisme qui lui était chère, or ce livre n'est que le formidable moyen de la découvrir. Au travers de cet énigmatique personnage qu'incarne Dorian Gray, on découvre au fil des pages que l'attrait physique dont il est porteur ne sera à jamais pour lui qu'une cause infinie de souffrance.

Il est tout à fait judicieux, que l'auteur ait choisi d'incarner en son ami le plus proche, Lord Henry, un dandy à la réflexion brillante qui offre de nombreuses théories exquises sur l'art, la jeunesse, la beauté... (Et tant d'autres tout aussi intéressantes). Wilde permet ainsi de ne pas dévaluer la beauté de son héros (car qui est intelligent est laid !) en lui apportant des éléments de réflexion sans pour autant lui donner la véritable incarnation d'un esprit affûté. Et c'est cela qui au fil de l'œuvre sauve et perd Dorian Gray, il abuse en société de paraphraser son acolyte sans pour autant avoir de réelles capacités intellectuelles. Apprécié en société, il devient de plus en plus rejeté et méprisé.

La machine infernale se met en route, les victimes agressées autant physiquement que psychologiquement s'entassent dans l'esprit du personnage principal. Et nous retrouvons alors la figure de l'auto-victime, celle qui se tue elle-même à petit feu. Tout d'abord, en se dépravant, fréquentant des lieux sordides puis en agissant et blessant. L'histoire sublime d'un amour envers une actrice renforce d'autant plus la noirceur du livre. Le romantisme y est d'ailleurs omniprésent, pour mieux le critiquer ?! Rien n'est moins sûr ! Et savourez également au début du roman, comment Wilde saisit un moment d'une intense beauté où la langue est d'une finesse égalable, filant la métaphore d'un jardin délicat en évoquant le portrait de notre mystérieux gentleman.

Sans aucun doute, la folie mène au génie, le personnage de Dorian Gray disparait dans une fin éclatante de paradoxes, d'invention et de merveillosité sublimée par une mise en scène digne des plus grands réalisateurs n'ayant jamais existé. Un récit mené d'une main de maître où la perfection semble nettement s'apercevoir.

Je ne saurais résister à vous délivrer un extrait reflétant pertinemment la situation de notre Littérature : « Un artiste doit créer de belles choses, mais ne doit rien mettre de lui-même en elles. Nous vivons dans un âge où les hommes ne voient l'art que sous un aspect autobiographique. Nous avons perdu le sens abstrait de la beauté. » Sur ce je vous souhaite d'apprécier et de saisir tous les moments décrits en cette œuvre.
TueReves
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le 9 mars 2012

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TueReves

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