Le Coup du Chaton - Avec tout le respect dû à une œuvre de qualité littéraire parfaitement honorable, je me permets malgré tout de soupçonner l'auteur de nous avoir fait le "coup du chaton". Je m'explique. A la vue d'un chaton, Homo Sapiens n'est plus rien. Ce qui fait sa dignité, ses principes, ses valeurs, bref sa colonne vertébrale, vole en éclats. Il devient une gélatine balbutiante et inintelligible qui fait peine à voir. Il est gagatisé.
Certes, c'est un manchot royal et non un chaton que Kourkov nous fourgue entre les pages, mais c'est presque pire car on ne se méfie pas. Et pourtant le pingouin est bien à la banquise, ce que le chaton est à la terre ferme: avec un graphisme divin, une dégaine clopin-clopant et un petit air de poète neurasthénique, il est bien en bonne place au côté du chaton une autre de ces créatures qui ont siphonné toute la perfection en ce bas monde.
D'où le sentiment de s'être fait légèrement grugé aux entournures, puisque dès lors que l'on écarte Micha de l'équation narrative - Micha philosophant devant son reflet dans le miroir, Micha venant se plaquer contre la jambe de Victor pour recevoir une caresse, Micha prenant son bain d'eau glacée dans la baignoire… (le coup du chaton je vous dis!!!) - le reste est pour le moins inégal.
Vue d'Ensemble - Kourkov déroule les mésaventures de Victor, un anti-héros pure sucre, sur une ligne de crète absurdo surréaliste qu'il ne parvient pas à tenir tout du long. Il culmine dans ce registre avec une jolie scène de réveillon du Nouvel An dans une datcha, avec une improbable équipe composée dudit Victor, de Serguei, un policier devenu ami avec Victor pour avoir accepté de s'occuper du pingouin en son absence, de Sonia, une petite fille confiée par son père à Victor et bien sûr l'inénarrable Micha qui, pour l'occasion se régale d'un buffet de fruits de mer de palace. La pirouette finale concoctée par Kourkov pour extraire Victor du méli-mélo dans lequel il est embourbé est également réussie.
Mais le reste souffre par moment de longueurs et d'une excessive trivialité.
La deuxième partie de roman en particulier s'essouffle assez nettement avec le départ mal avisé de Sergueï (pour un poste mieux payé à Moscou), et l'arrivée de sa nièce Nina, embauchée par Victor comme nounou. Elle va lentement s'installer dans la vie quotidienne et dans le lit de Victor mais c'est peu dire qu'on ne gagne au change tant Kourkov échoue à faire naître le moindre intérêt pour cet unique personnage féminin adulte, d'une fadeur assez phénoménale.
Style - Je n'ai pas non plus été particulièrement séduite par le style de l'auteur. Très épuré et factuel, il sert avantageusement les situations décalées, mais devient ennuyeux, scolaire pour assurer les transitions, fournir un bulletin météo ou nous informer que Victor se prépare une tasse de thé....
Gloire à l'Ukraine - Il n'en reste pas moins que, vous comme moi, n'aurons vraisemblablement que de très maigres chances de partager un jour réellement notre vie avec celle d'un pingouin et que consommer de la culture ukrainienne reste un moyen comme un autre de bien faire chier le régime russe.
Bonne lecture et amitiés,
Dustinette