C'était il y a longtemps maintenant. Pour vous dire à quel point ça remonte, j'étais alors collégien. Une nuit, entre un dimanche et un lundi, le Ciel décida de nous faire un cadeau majestueux : un paquet de neige haut comme ça, de la neige bien lourde et dense. Résultat : au lever, le lundi matin, pas d'électricité, pas de téléphone (c'était des lignes téléphoniques, à l'époque), pas de télévision (l'antenne râteau s'était cassée) et le toit d'un supermarché s'était écroulé.
Mais surtout, il n'y eut pas d'école pendant une semaine complète. Et ce pour deux raisons : d'abord par absence de ramassage scolaire, puis par peur que le toit du collège ne tienne pas (finalement, le toit a parfaitement tenu : ces vieux bâtiments, ce du solide, c'est pas conçu par Jean Nouvel). Mais ces journées de vacances sans télé, à une époque où Internet n'était pas encore arrivé dans les foyers), il allait falloir que je les passe à une activité passionnante : ce fut la lecture. Et comme j'avais, déjà à l'époque, une certaine prédilection pour les œuvres longues, j'ai choisi Le Nom de la Rose, d'Umberto Eco, acquisition récente qui trônait en haut de ma pile.
Et si, pendant une semaine, je n'ai pas bougé de ma maison, j'ai effectué pourtant un des voyages les plus fascinants qui se puisse concevoir. Voyage dans le temps et l'espace, voyage à travers les livres et pour les livres.
Cette lecture datant de plus de 25 ans maintenant (ça fait donc plus de 25 ans que je me dis que je DOIS le relire, et l'occasion devrait bientôt se présenter), je ne pourrais pas rentrer dans les détails. Et pourtant, mes souvenirs (forcément déformés par la distance) me paraissent intacts. Je revois (je revis) des passages entiers du livre.
Le Nom de la rose est un roman extraordinaire, un mélange de mystère, d'enquête, de description historique et de défense des livres, le tout dans une ambiance directement inspirée de l'Apocalypse.
Déjà, nous sommes dans un Moyen Age parfaitement documenté (on ne peut pas en attendre moins de la part d'un homme aussi cultivé que Eco). La description de la vie quotidienne dans un monastère, en plein conflit entre Dominicains et Franciscains, est absolument passionnante et est employée comme un cadre idéal pour une aventure sombre et énigmatique. La succession de crimes inspirés de l'Apocalypse prolonge cette ambiance en lui donnant une image de fin du monde. Les murs du monastère, semblant renfermer autant de mystères, en font une sorte de labyrinthe où l'enquêteur va évoluer en résolvant diverses énigmes.
Roman sur les livres en général, rempli d'allusions à des œuvres aussi bien sérieuses que divertissantes (de Voltaire à Conan Doyle), Le Nom de la rose se déploie également comme un livre sur la lecture. Finalement, Guillaume de Baskerville, le personnage principal, agit comme un lecteur, déchiffrant les signes, faisant des suppositions, se déplaçant dans le monastère comme le lecteur idéal d'un roman.
Le résultats est absolument génial. Et même si Eco n'a pas toujours été aussi inspiré, il a quand même occupé une place à part dans la production littéraire contemporaine. En faisant confiance à l'intelligence et à la culture de ses lecteurs, en jouant avec lui au fil de ses œuvres, avec humour (à défaut de finesse), il a fait une œuvre remarquable. Lorsque l'on sort d'un livre d'Umberto Eco, on a l'impression d'être plus intelligent. Et ça, ça n'a pas de prix.

SanFelice
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le 21 févr. 2016

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SanFelice

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