Le Monde selon Garp est l’un des livres les plus étranges que j’ai pu lire ces dernières années. Pour commencer, son personnage principal est plus qu’atypique. A vrai dire, Garp est surtout l’un des personnages principaux les plus agaçants de la littérature. Il est irascible, égocentrique, sa vision du monde est parfois aussi étriquée qu’une rame de métro en heure de pointe et son ego est inversement proportionnel à sa capacité à se débrouiller sans les personnages féminins qui peuplent sa vie. Mais Garp est aussi un personnage que l’on observe grandir au fil des pages, auquel on s’attache profondément et, une chose est sûre, Irving sait faire marcher les ficelles de l’identification du lecteur. Malgré tout, on ne m’enlèvera pas l’idée que l’une des plus grandes qualités de Garp reste d’être entouré de personnages assez extraordinaires qui font l’intérêt du livre bien plus que ce pauvre Garp lui-même (mais bon, le titre « le monde selon Garp et beaucoup d’autres gens » étant beaucoup moins accrocheur…)

Les thèmes abordés par Irving sont certes très profonds (la mort et l’amour, le sexe, l’infidélité et le viol, l’attachement et la peur panique de la perte, l’ambition et l’insécurité, l’écriture blablablaaa), mais ce sont des thèmes qui ont été rabâchés et remâchés par la littérature contemporaine. Là où Irving innove, c’est qu’il les aborde avec un humour qui dose savamment réflexion, légèreté et philosophie de comptoir. Il réussit le pari assez impressionnant d’intégrer harmonieuse le burlesque et le tragique, le tout dans un texte d’une fluidité si remarquable qu’on lui pardonne de frôler parfois d’un peu trop près le mauvais goût et le grotesque. Mais après tout, « life is an X-rated soap opera ».

En dépit de quelques longueurs (mon dieu, ce passage interminable chez Mme Ralph…), le monde selon Garp fait partie de ces livres jouissifs, à la fois violents et poétiques, qu’il faudrait relire à différents âges pour en extraire toutes les subtilités. Ce n’est pas tant un roman sur la vie - cette garce sans cœur - qu’un roman sur l’écrasante impuissance des hommes à la maîtriser. Mais surtout, c’est un roman sur la résilience. Et sur ce point-là, Garp n’a rien à envier aux autres personnages qui peuplent ce livre.
Frán
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le 22 août 2014

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Frán

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