Ah Molière...la simple évocation de son nom suffit généralement à faire lever toutes les têtes des amoureux de littérature. Ne dit-on pas d'ailleurs la langue de Molière, comme l'on dit la langue de Shakespeare? On en oublierait presque que Molière n'était qu'un homme, qu'il devait jurer comme un charretier lorsqu'il se cognait le petit doigt de pied contre la commode, qu'il avait une haleine de fénec comme tout le monde après un bon saucisson à l'ail et au fromage, bref qu'il n'était pas parfait et donc pas exempt d'erreurs. Et clairement, pour moi, cette pièce en fait partie.


1-Synopsis: la médecine, c'était pas mieux avant


La pièce s'ouvre sur une dispute entre Sganarelle et sa femme. On y apprend que monsieur boit tout ce que son métier de faiseur de fagots lui rapporte, laissant sa femme s'occuper "à sa guise" de ses quatre enfants. Monsieur prend mal qu'on le lui fasse remarquer et la bat, parce que c'est lui l'homme, il ne faut pas exagérer, non mais, de qui se moque-t-on? Sauf que les coups ne nourrissent pas, que sa femme en a marre et qu'elle décide de se venger.


C'est alors que l'intrigue commence, car elle croisera la route de deux paysans incultes, appartenant tous deux au seigneur Géronte. Celui-ci est bien en peine depuis que sa fille a perdue la parole, retardant un mariage d'intérêt. Lorsque les deux hommes demandent à Martine si elle ne connaîtrait pas un médecin à même de réussir là où tous les autres ont échoués, elle a l'idée de leur présenter son mari comme le plus grand médecin ayant jamais été, et que s'il faille lui donner des coups de bâton pour le lui faire dire, il ne faut surtout pas hésiter à le faire, tant ses remèdes sont miraculeux. Et puisque personne n'entend quoique ce soit à la médecine à cette époque, pas même les médecins, les paysans la croirons sur parole: c'est ainsi que Sganarelle deviendra bien malgré lui médecin.


Si vous n'avez pas trouvé cette intrigue particulièrement prenante, je vous rassure, c'est parfaitement normal. J'ai adoré de nombreuses pièces de Molière, mais celle-ci n'est clairement pas à la hauteur. D'autant plus qu'elle souffre d'une comparaison toute à son désavantage, puisqu'elle fut écrite...


2-La même année que le Misanthrope


On ne peut que déplorer la différence existante entre ces deux pièces. L'intrigue du médecin malgré lui n'est absolument pas subtile, pas plus que l'humour qui s'en dégage. Tout n'y est que coups de bâtons, jeux de mots pas spécialement bien amenés, comique de gestes qui ne sont d'aucun secours pour relever le texte qui se trouve défiguré par l'emploi d'un parlé paysan. Même le message défendu par la pièce manque de finesse : si le médecin malgré lui est bien entendu une charge effrénée contre cette profession, qui a l'époque faisait ce que bon lui semblait en profitant de l'absence totale d'éducation qui régnait dans les campagnes et les villes, les bouffonneries des personnages nous empêchent de nous y attarder plus que le temps d'une réplique de Sganarelle.


Le Misanthrope est en vers, le médecin malgré lui en prose. Le Misanthrope possède plusieurs degrés de lectures, le médecin malgré lui n'en a qu'un, par ailleurs assez bas de plafond. Le Misanthrope explore les sentiments, le médecin malgré lui explore...explore quoi d'ailleurs? Je dirais bien le comique coutumier de son époque, mais à ce titre, d'autres pièces du même auteur le font bien mieux que lui. J'ai ri en lisant le Tartuffe et les fourberies de Scapin. Je n'ai même pas souri aux répliques du médecin malgré lui.


3-Conclusion


Abordé en 6ème, le médecin malgré lui est souvent la première œuvre qui nous fait découvrir Molière, car on estime que son texte est le plus facile. De mon point de vue, c'est desservir l'enseignement du théâtre, car j'ai retrouvé en la lisant cette impression de corvée que me donnait les livres du programme de collège. Or, en relisant des œuvres comme la cousine Bette, je suis revenue de ma bêtise en me rendant compte que ces livres étaient pour la plupart géniaux. Le médecin malgré lui sera l'exception qui confirme la règle.

Pulsar
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le 6 oct. 2016

Critique lue 982 fois

Pulsar

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