J'avais tenté de lire ce Balzac pendant l'acné de l'adolescence et il m'était tombé très vite des mains. Il faut bien dire que ce que je voyais, à tort, caricaturalement comme une histoire d'amour platonique cucul, faisant l'éloge de la vertu, donnait un très mauvais mélange avec une montée de testostérone. Mais, bon, il faut toujours laisser une seconde chance, plus vieux, lorsque la testostérone redescend, à ce genre d'histoire.


Reste que je m'attendais toujours à un roman racontant un amour platonique cucul, faisant l'éloge de la vertu. Ce qui n'est toujours pas ma tasse de thé, testostérone ou non.


Bon, résultat... les pages sur l'enfance du narrateur, ce cher Félix de Vandenesse, mal aimé par ses parents, sont puissantes. On sent bien que Honoré de Balzac a mis énormément de lui et de sa vie dans ses passages. Cette partie du livre est très captivante.


Après, une fois à Clochegourde, une fois que le narrateur a véritablement fait la connaissance d'Henriette de Mortsauf, on va virer souvent dans le gros lyrisme amoureux qui tache, où Félix ne recule devant aucune lourdeur et longueur pour bien montrer qu'il connaît les joies douces et tortueuses de l'amour devant à une sainte, un modèle de pureté, une idole se sacrifiant pour son tyrannique mari et ses enfants cacochymes. Cela dure des plombes et des plombes et des plombes, on se demande si on finira un jour ce livre. On se demande sérieusement si Honoré de Balzac savait ce qu'il faisait.


Réponse, oh oui, il savait très bien ce qu'il faisait. Il nous fait très bien comprendre que c'est Félix qui écrit (oui, petite précision, la majeure partie du roman est une longue lettre adressée à une jeune femme dont le narrateur est amoureux ou pense être amoureux, Natalie de Manerville !), que c'est son point de vue, ses lourdeurs, ses longueurs. Pourquoi ?


Pour la simple raison que le personnage de Lady Arabelle Dudley va débarquer, va être un révélateur, un déclencheur, et que les choses vont considérablement s'accélérer, les beaux souvenirs vont faire place aux mauvais. Félix a envie de moins s'y étendre, plus d'enthousiasme des sentiments, car on va voir la véritable face des choses, de l'esprit humain, que c'était beaucoup plus compliqué qu'on ne le pensait. On est à mille lieues de l'éloge cucul de la vertu. La réponse de Natalie, qui nous donne une tout autre perspective à ce que l'on a lu auparavant, sera le dernier clou dans le cercueil. C'est la réalité qui va reprendre brutalement ses droits sur le sublime.


Le Lys dans la vallée (quel magnifique titre, il n'empêche !) n'est pas une œuvre facile, mais si on lui laisse le temps, si on se laisse le temps, alors on va avoir le droit à une richesse et à une complexité insoupçonnées.

Plume231
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le 2 juil. 2021

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Plume231

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