Quand dans un livre, je m'arrête vers la page 130 (sur 250 environ) et m'interroge : "qu'as-tu compris du livre ?", je me retrouve en classe au lycée avec une grosse bouffée de honte au visage devant tous les copains et copines (soulagés, eux, de ne pas être sur le grill).

Comme j'ai, malgré tout quelques années d'expérience maintenant, j'arrive tant bien que mal à me bredouiller quelques paroles à peu près sensées. Pas très convaincant mais en première approche, ça peut passer. Si le prof (moi !) n'est pas trop exigeant.

Et puis, vient la flèche du Parthe. Le livre commence en effet par la phrase sibylline "Je est Gargan". "Mais qui est Gargan", me demandai-je ? Alors là, c'est la brasse coulée. Une ville, non ; un village, un héros, un copain du narrateur, un mort, un membre de sa famille, un démon intérieur …

En consultant Wiki, il y a bien un dieu celte de ce nom-là mais ce ne doit pas être ça. Peut-être que l'hypothèse du démon intérieur maléfique tient la route, pourquoi pas …

Reprenons posément.

Le livre a été écrit par un journaliste, poète bosnien et bosniaque, Faruk Šehić. Il est un ancien combattant de la guerre des années 90 qui livre ses réflexions sur le conflit d'une part, sur sa propre volonté de reconstruction d'autre part. Ce conflit dont il me semble avoir compris qu'il résulte d'une implosion de la Yougoslavie et des appétits nationalistes des uns et des autres. C'est, comme de bien entendu, à qui massacre le plus du clan adverse. Pathétique. Tragique. Ceux qui ont les appétits nationalistes ne sont, bien sûr, pas les mêmes que ceux qui meurent ou survivent marqués à vie dans un pays détruit. Et parmi ces derniers, l'auteur.

Quand les hommes (tous les hommes) auront compris que c'est en se réunissant qu'on peut construire et que c'est en se séparant qu'on ne peut que détruire, ils auront fait un très grand pas. Je suis personnellement européen (au sens UE) et je sais pourquoi.

Extrêmement lyrique quand l'auteur évoque Sa rivière, l'Una et son affluent, l'Unadzic, les pêches qu'il y pratiquait, sa grand-mère, chez qui il résidait, qui fut résistante pendant la seconde guerre mondiale dans le clan titiste. Bref, ses souvenirs d'enfance à partir desquels il peut peut-être parvenir à se reconstruire. Lyrique et foisonnant d'allusions ou d'images cinématographiques ou littéraires. Dont je ne saisis qu'une petite moitié …

Dans une tentative optimiste de conclusion du livre, je ne ferai pas mieux que de citer la dernière phrase ouverte sur l'avenir.

Il était fondu dans la foule, contaminé par un amour soudain pour tous ces gens. S'il avait pu, il aurait serré dans ses bras l'horizon entier et avec lui, les corps célestes immobiles.

Oui, mais avec ça, je ne sais toujours pas avec certitude qui est Gargan et si l'auteur a réussi à le vaincre ou s'en débarrasser. …


JeanG55
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le 10 oct. 2023

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