Quelle tristesse la pauvre note générale attribuée à ce livre.

Je n'en comprends pas les motifs, sauf à ce que Cordélia, préservée par les miracles de la haine, ne vint ici ramper, gémissante et désespérée.
Cordélia, familière des gouffres, franchirait sans sueur le petit précipice séparant la fiction du réel. Elle connut dans ce jadis imaginaire tout à la fois les profondeurs du dedans et le vide du dehors. 
Une étreinte, apparence trompeuse des saisons chaudes, et l’interminable hiver ; la lutte dans ses lettres du soleil hystérique et de la nuit.
Johannes ouvrit en elle, plutôt éclaira en elle, les abîmes mortels du rêve, éveilla en elle les sens endormis comme autant de serpents dangereux. Et il truqua si bien son regard, sa bouche, ses mains qu’il apparut comme la forme même de l’âme.
Mais à la fin des fins ? Quand vient le moment des sifflets et de la porte close ; après le secret, les brûlures et les principes brisés ?

Dans le miroir où Johannes mène sa vie, Cordélia vint, elle vint d’abord en son corps pur, sa chère innocence, elle vint sans comprendre le pouvoir magique du séducteur. Et le séducteur la changea en reflet, la fit monter dans le miroir comme une mauvaise aube dans le monde. Elle devint reflet, c’est à dire, objet esthétique, destiné à une lutte puérile. Dans ce monde deux fois imaginaires, l’ombre de Johannes vainc cette Cordélia de circonstances ; ce monde -où grêlent sans cesse les images et les mythes- dévore toute substance, toute réalité. Cordélia n’aime pas Johannes, Johannes ne joue pas avec Cordélia, le séducteur n’existe pas, il est banni du monde des concepts et il appelle vie et esthétique des divagations.
 «Mon Johannes»
Ecrit-elle encore
Mais elle se trompe d’espérance.

Johannes ouvre les yeux, peut-être.
Il est vieux et n’a jamais vécu, étrange moment d’arriver au bout de soi-même sans avoir parcouru aucun chemin. Il veut retracer dans l’air la ligne de son existence et se trouve incapable d’en fixer l’origine. Debout devant le miroir, face à cette réalité, il se dit à lui-même «ce n’était que ça».
Il veut dire «rien», mais il n’ose pas. Il n'aura pas vécu mais il n'aura même pas existé.
herminien
10
Écrit par

Créée

le 11 août 2013

Critique lue 1.1K fois

7 j'aime

herminien B

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

7

D'autres avis sur Le Journal du séducteur

Le Journal du séducteur
Moizi
7

Confessions d'un dragueur

J'adore ce genre de jeu de séduction, j'avais aimé Adolphe de Benjamin Constant ou alors plus récemment la discrète avec Luchini. Alors certes chacune de ces oeuvres est très différente, mais j'aime...

le 25 juin 2016

2 j'aime

Le Journal du séducteur
ellimacyorel
9

On adore le haïr

Johannes est une source de sensations contradictoires. On adore le haïr au fil de l'histoire, car il nous fascine autant qu'il nous dégoute. Voilà un personnage qui met son incroyable connaissance de...

le 28 janv. 2016

2 j'aime

Le Journal du séducteur
StandelaRouve
9

Conduire sur le chemin...

Ce qui est énervant avec les séducteurs, c'est qu'ils sont sincères et assumés dans leurs démarches ! Ce livre est séduisant pour qui veut bien se laisser séduire !

le 30 mai 2021

Du même critique

Aurélien
herminien
9

Aurélien Drieu-La-Rochelle par Pierre Aragon.

Ah, ce livre, ce livre. Comment réussir à la détacher du Gilles de Drieu, influencé que nous sommes par cette superbe préface et par cet Aurélien qui prétend avoir pour second prénom Roger, alors...

le 8 oct. 2012

9 j'aime

Squid Game
herminien
3

Nul

J'ai la HAINE d'avoir perdu mon temps devant ce "chef d'oeuvre". Je ne remets pas en cause l'art coréen contemporain mais force est de constater qu'en matière de "pop culture" c'est du plagiat...

le 13 oct. 2021

7 j'aime

Le Journal du séducteur
herminien
10

Critique de Le Journal du séducteur par herminien B

Quelle tristesse la pauvre note générale attribuée à ce livre. Je n'en comprends pas les motifs, sauf à ce que Cordélia, préservée par les miracles de la haine, ne vint ici ramper, gémissante et...

le 11 août 2013

7 j'aime