C'est Bordage. Cousu de fil blanc mais ça fonctionne à chaque fois, avec moi en tout cas. Tous ses thèmes de prédilection y sont, toutes ses ficelles aussi : l'humanisme, la solidarité des humbles, l'intuition et le cœur qui s'opposent à la froide logique des puissants et qui bien entendu finissent par triompher, l'histoire d'amour qu'on devine rien qu'en lisant la quatrième de couverture, les influences indiennes, la voracité humaine, la peur des différences, la lutte de la lumière contre le néant, le vide, le désincarné. Le cadre est ici est un space opera, autant dire l'un des genres de prédilection de l'auteur, genre qu'il maitrise à la perfection. On y retrouve d'ailleurs certaines choses qu'il aborda il y a bien longtemps dans certains épisodes de la saga Rohel. A croire que l'ensemble de son œuvre s'enchevêtre pour former un tout cohérent, tel que le pourrait le faire l'humanité dans l'un de ses multiples romans.
On pourrait ainsi lui reprocher de tourner un peu en rond; ça ne serait pas totalement infondé. Pour autant, dans ce dixième vaisseau, il développe comme il ne l'avait jamais fait auparavant les thèmes du transhumanisme et surtout de l'intelligence artificielle, l'une des tartes à la crème du moment, mais qu'il faut bien le dire - traite avec un talent certain et en évitant le piège, auquel on aurait pu s'attendre, d'en opposer frontalement la froide logique à l'âme humaine. C'est plutôt bien réussi et ça apporte à ce bouquin une petite touche de nouveauté par rapport aux classiques de Bordage.
Alors ce n'est certainement le meilleur Bordage; il a écrit des choses bien plus ambitieuses et plus saisissantes. Mais, pour conclure sur une expression que j'abhorre, il demeure un auteur capable de produire des page turners à une cadence très élevée et qui offrent au lecteur une véritable évasion, cela depuis plus de 30 ans. Respect.