Le Diable
7.4
Le Diable

livre de Léon Tolstoï (1911)

Je crois que j’ai enfin compris, ou trouvé, ce qui plaît à tant de gens chez Lev Tolstoï : la description très juste des tourments qui peuvent habiter un esprit humain (car j'avoue sans honte m'être ennuyée en lisant Anna Karénine ou Le Père Serge, bien que je reconnaisse leurs qualités littéraires, évidemment). Ici, vu la courteur du récit, on se passe du superflu, c’est direct, incisif, intense, et donc, ça m’a plu. Beaucoup même.

Le diable dont il est question dans le titre, c’est, plus que la femme elle-même, le désir qu’elle suscite.

Le diable qui assiège l’esprit et le corps de ce brave propriétaire terrien, Irténiev. C’est un homme sérieux, travailleur qui, après la mort de son père, reprend en main l’affaire familiale et surtout les dettes accumulées par celle-ci, bien décidé à la remettre sur les rails. Mais on s’ennuie vite à la campagne, on s’ennuie de sexe et de femmes lorsque comme Irténiev on respire la jeunesse et la santé, et grâce à l’entremise de son garde-chasse, des rendez-vous dans les bois sont régulièrement arrangés avec une jeune, jolie et incandescente paysanne du coin : Stepanida. Ils se verront régulièrement, dans un but purement récréatif voir « médical ,» tente de se convaincre Irténiev, et lorsque ce dernier se décide à se marier à la douce et gentille Lise, dont il est véritablement épris, notre honnête homme décide de mettre un terme à ces escapades forestières, tout simplement.

Et pendant un an, il s’y tient, sans trop de mérites d’ailleurs car il est fort pris par son travail et surtout, car il ne pense plus et jamais à Stepanida. La vie avec sa délicate épouse se déroule sans encombres, ils décident d’avoir un enfant et elle tombe rapidement enceinte, tout semble aller pour le mieux.

Mais un jour, par un hasard habilement provoqué par l’espiègle Stepanida, ils se croisent, se jettent un regard furtif… et c’en est finit de ce pauvre Irténiev.

Une bouffée de désir telle qu’il n’en a jamais connu s’empare de lui, il veut revoir la paysane, ce diable de femme qui, se rend-il compte, à défaut d’avoir jamais été sienne, le possède dorénavant corps et âme. Tentant en vain de se consacrer uniquement à sa famille et à son travail, rien n’y fait, ses pensées se dirigent irrémédiablement vers cette femme et les souvenirs sensuels qui l’accompagnent, ses pas le mènent toujours vers ces bois dans l’espoir de l’y rencontrer. Et ces pensées font place à la honte de souhaiter malgré lui de telles retrouvailles, puis au désespoir de ne pouvoir lutter contre ce désir. Irténiev ne réussit plus à contrôler ses envies et Stepanida, femme intelligente, le voit bien, elle met tout en œuvre pour le rencontrer à nouveau… L’homme ne sait plus que faire, qui invoquer pour se départir de ses coupables pulsions…

Comme dit plus haut, le format très court du roman rend tout cela très intense, ne laisse aucun répit à Irténiev. Tolstoï retranscrit très bien tous les états par lesquels passe ce dernier et se complaît même à rajouter à tout ce tragique, toute cette sensualité qui transpire au travers des pages, une forme d’humour discret et subtil mais malgré tout présent, qui est bienvenue.

Une bonne surprise donc, une lecture courte et intense et indiscutablement, une œuvre à découvrir.
Pravda
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le 11 oct. 2013

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