Grâce à Babelio et à son opération de Masse Critique, j'ai pu recevoir gratuitement le magnifique roman de Frederick Exley, Le dernier stade de la soif (Editions Toussaint Louverture). J'avoue que j'ai été particulièrement contente de recevoir celui-ci parmi tous ceux que j'avais souhaités, parce qu'il était justement le seul que j'avais déjà tenu entre les mains et qu'il m'avait laissé un souvenir très profond sans même l'avoir lu!

Je m'explique: Monsieur Toussaint Louverture est l'un des rares éditeurs à proposer des livres extrêmement soignés à prix abordable (23,50€) , et celui-ci est un excellent exemple. La première fois qu'on voit Le dernier stade de la soif, on n'a qu'une seule envie avant même de le lire: le toucher, passer ses doigts sur la couverture et sentir tout le soin qui a été mis dans sa conception. Quand nous l'avions reçu dans la librairie où j'ai fait mon apprentissage et que nous l'avions sur table, je ne pouvais pas m'empêcher d'effleurer l'illustration "gravée" dans la couverture et de passer mes doigts sur le résumé à l'arrière quand j'en rajoutais sur la pile.
Et oui, ça fait un peu psychopathe, mais certains livres sont vraiment de très beaux objets, et celui-ci fait partie des plus beaux que j'ai pu voir pendant ces 2 ans passés en librairie.
Et l'enchantement s'est poursuivi quand je l'ai reçu dans mon humble demeure...je l'ai ouvert et là j'ai de nouveau été frappée par la qualité du papier et de l'impression, un vrai plaisir!
J'étais donc déjà toute disposée à en apprécier le contenu...

Bon, je n'étais pas tout à fait objective au début puisque ma collègue J. m'en avait dit beaucoup de bien ainsi que certains de nos clients mais j'ai pu me faire mon propre avis en me plongeant dedans, et j'avoue ne pas être très originale malheureusement puisque je l'ai beaucoup aimé moi aussi!

Le style d'Exley est vraiment très agréable à lire, j'ai eu le même sentiment d'être face à un véritable auteur naturellement doué comme lorsque j'ai pu lire Requiem pour un paysan espagnol de Ramon Sender - (Editions Attila), dans un style pourtant très différent! Sûrement comme un numéro d'acrobates parfait, extrêmement difficile à réaliser et pourtant le travail apporté en amont donne l'impression au spectateur qu'il est accompli sans efforts.

On se laisse absorber par le quotidien torturé et désespéré sans impression de lourdeur malgré la noirceur de l'existence et la chute inéluctable de ce double imaginaire d'Exley. Personnellement j'ai beaucoup apprécié la galerie de personnages très variés qui croisent le chemin de notre anti-héros, et particulièrement les personnages féminins dont chaque description est un délice. Les femmes d'Exley sont charmantes, magnifiquement appétissantes et malheureusement pas toujours à la hauteur de ses espérances. Qu'importe! On se régale à chaque nouvelle apparition, entre caramel et poivre et sel.
Mais loin d'être un roman d'amour (en tout cas pas entre Exley et ses conquêtes féminines), ce roman parle de la difficulté d'exister aux yeux des autres en tant qu'individu digne d'intérêt, et surtout aux yeux de ceux qu'on aime. De la douleur de réaliser qu'on n'est peut être pas à la hauteur de ses rêves, de dévisager avec horreur son reflet peu flatteur dans le regard des autres et du long chemin du retour lorsqu'on est allé tout au fond du gouffre et de l'auto-destruction.

Le dernier stade de la soif baigne dans une douce lumière d'automne malgré la violence du combat que le personnage mène contre lui-même et qui rend ce spectacle supportable pour le lecteur grâce au lâcher prise dont Exley semble faire preuve la plupart du temps, tristement résigné devant ce sombre avenir qu'il connaît déjà dès les premières pages du roman.

En bref, j'ai beaucoup aimé ce livre, tant au niveau de la forme que du fond et j'en suis très reconnaissante envers son éditeur d'avoir eu l'idée lumineuse de le rendre accessible aux lecteurs francophones, qui plus est dans la plus belle édition qu'il soit!
Alabama_Worley
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le 19 sept. 2014

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Alabama_Worley

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