François Birotteau est le vicaire de la cathédrale de Tours. Sexagénaire ayant toujours vécu dans sa ville, il rêve de loger chez mademoiselle Sophie Gamard, dans le bel appartement que son ami le chanoine Chapeloud occupe en bonne entente avec sa logeuse depuis douze ans.
Cette convoitise est bon enfant : l’abbé Birotteau est un homme simple, innocent et naïf et jamais il n’aurait entrepris de démarche risquant d’assombrir les vieux jours du vicaire. Au décès de ce dernier, Chapeloud lègue son mobilier à son ami. Mademoiselle Gamard qui comptait céder l’appartement à l’abbé Troubert (un ecclésiastique ténébreux, d’abords froids et peu amène) changea d’idée et prit Birotteau comme locataire.
Deux ans plus tard, l’abbé Birotteau constata avec effroi que sa logeuse ne l’appréciait pas. La vieille fille mettait tout en œuvre pour rendre sa vie impossible en multipliant les petites contrariétés qui, à la longue, pèsent lourdement sur les épaules d’un homme.
L’abbé Birotteau ne perça jamais le mystère de cette haine inexplicable. Jamais il se rendit compte de la déception cuisante qu’il avait infligée bien involontairement à sa logeuse : elle qui rêvait de voir la belle société tourangelle fréquentée par Birotteau pénétrer dans son salon, elle qui aurait tout donné pour « recevoir » à l’image de ces dames de la bourgeoisie aisée. Elle dût se rendre à l’évidence : Birotteau, qui au début, passait ses soirées en sa compagnie, déserta bien vite sa maison pour reprendre le chemin des salons les plus courus et auxquels elle n’avait elle-même pas accès.
La vieille demoiselle développa à son encontre une profonde rancune et un désir de vengeance. La vengeance étant un plat qui se mangeait froid, elle prit son temps en femme avisée et calculatrice pour peaufiner son projet.
La brouille s’envenima. Le lecteur se retrouva dès lors au centre d’une querelle de clocher. Un combat rangé. Une guerre de tranchées. D’un côté, le clan des plaignants constitué de l’abbé Birotteau et de la belle société tourangelle (Madame de Listomère en tête) et de l’autre, le clan de mademoiselle Gamard épaulée de l’abbé Troubert. Y passèrent toutes les petites mesquineries de la vie de province, toutes les bassesses de chacun, les vengeances, trahisons, complots, et autres réunions de campagne.
Mise en évidence de la toute-puissance de l’Eglise qui, à cette époque, en imposait largement à la politique.
Et un très grand moment avec la joute orale opposant deux artistes du genre : Madame de Listomère face à l’abbé Troubert. Du très grand Balzac avec un discours dantesque, en apparence aimable, presque badin, agrémenté en italique et entre parenthèses des non-dits, des mots couverts, de toutes les petites lignes vachardes que les deux parties échangèrent non par la parole mais par leurs regards assassins. Rien que pour ce passage, ce court roman est à lire absolument.
Superbe !
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le 19 sept. 2013

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