Max le Raisonnablement Sain d'Esprit 2,5 : le Défi fantastique

Avec le Combattant de l'Autoroute, Ian Livingstone fait ses premiers pas hors de la fantasy à la papa. Adieu épées, gobelins et sorciers, bonjour voitures, flingues et bikers : nous sommes ici dans du post-apocalyptique tout ce qu'il y a de plus Eighties, dans la droite ligne d'un Mad Max 2. En 2022, une pandémie foudroyante s'est abattue sur l'humanité et n'a laissé qu'une poignée de survivants, certains luttant pour rétablir un semblant de société dans leurs communautés fortifiées, d'autres laissant libre cours à leurs pulsions violentes dans des gangs de nomades sans foi ni loi. Le héros appartient à l'un des derniers bastions de la civilisation, la petite ville de Nouvelle-Espérance. Il est chargé d'entreprendre un dangereux voyage jusqu'à une autre cité, San Antonio, où il échangera sa cargaison de grain (Dieu seul sait où il la cache dans sa petite voiture) contre un camion-citerne rempli de précieux pétrole.


Le principal intérêt du livre est de proposer de nouvelles règles, non seulement pour les armes à feu, mais surtout pour la voiture du héros, une Dodge Interceptor tunée avec des armes tout droit sorties de Pif Gadget (boîte de clous et giclées d'huile pour embêter les autres conducteurs) et d'autres plus sérieuses (une mitrailleuse et un lance-roquettes dont j'ignore comment le héros peut les manier tout en gardant un œil sur la route). Ces ajouts sont bienvenus et utilisés intelligemment par Livingstone, mais j'ai envie de dire que c'est un peu la moindre des choses quand on choisit d'écrire un livre-jeu dans un cadre industrialisé.


En faisant abstraction de ce cadre, l'aventure s'inscrit dans la droite lignée des précédents opus de la série, puisqu'elle consiste à tracer sa voie dans un univers sauvage, où la justice est un concept pour le moins théorique, à la merci du premier brigand venu : qu'il s'agisse d'un troll armé d'un gourdin ou d'un loubard en veste de cuir n'est qu'une question d'esthétique. Le résultat n'est pas si éloigné qu'il n'y paraît de livres comme la Forêt de la Malédiction, donc. Le couac, c'est que Livingstone ne profite pas vraiment du changement de décor pour expérimenter dans la construction de son histoire : comme à son habitude, il sème des péripéties au petit bonheur la chance sur des routes où le héros est incapable de s'orienter de manière raisonnable, préférant s'en remettre à des choix gauche-droite arbitraires plutôt que de faire usage d'un minimum de jugeote (d'accord, les GPS n'existaient pas en 1985, mais les cartes routières ?).


Ce n'est pas que cette structure soit intrinsèquement mauvaise (encore que…), mais le problème, c'est que les péripéties qui viennent se greffer dessus n'ont rien de particulièrement excitant. La plupart du temps, c'est une autre voiture qui vous pourchasse, ou bien une moto, ou alors vous vous retrouvez embrigadé malgré vous dans une course (à deux reprises !). Trop souvent, l'issue de ces rencontres ne dépendra pas de choix, mais de bêtes jets de dés, un moyen supplémentaire d'enlever au lecteur toute influence sur les événements. De temps à autres, des PNJ amicaux viendront bidouiller un peu votre voiture, parce que c'est évidemment tout à fait crédible que le petit vieux qui tenait l'aire d'autoroute avant le cataclysme n'ait pas bougé depuis et soit toujours en mesure de changer l'huile aux gangs de bikers de passage. Le plus souvent, vous échouerez à cause d'une panne d'essence, parce que vous devez vous ravitailler en route, mais il n'existe qu'un seul chemin qui passe par les points où vous pouvez récupérer du carburant. Agaçant.


En fait, tout dans ce livre est imprégné d'un fâcheux dilettantisme, qu'il s'agisse des descriptions laconiques, des personnages en carton, des péripéties très banales, des illustrations très en-dessous de la moyenne (à sa décharge, Kevin Bulmer a été mis sur le coup très très tard et n'a eu qu'une grosse semaine pour les réaliser, difficile de faire du grand art dans ces conditions). Livingstone n'a même pas été capable de rassembler suffisamment d'inspiration pour parvenir aux 400 paragraphes habituels et s'est arrêté à 380. Quelle ironie qu'il soit lui aussi tombé en panne sèche… Quitte à lire des livres-jeux post-apocalyptiques, mieux vaut se tourner vers la série Freeway Warrior de Joe Dever, qui offre des aventures nettement plus épiques et prenantes que ce triste Combattant de l'Autoroute.

Créée

le 4 mars 2015

Critique lue 890 fois

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Tídwald

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