(Le titre de cette critique n'a rien à voir avec son contenu, la contrepèterie est tout simplement trop belle pour ne pas en profiter.)

La vieillesse est un impensé de notre société alors qu'a priori, nous allons tous y passer. J'abordais ce livre dans les meilleures conditions : la vieillesse me touche profondément et me fascine. Agnès Desarthe, enfant, allait voir ses grands-parents, survivants des camps, dans leur immeuble de la rue du Château des Rentiers (quel nom splendide) où ils vivaient avec leurs amis rescapés. Ce phalanstère du 3ème âge l'inspire, et elle aimerait en construire un, idéal, pour ses amis et elle en prévision de leurs vieux jours. Puisant dans ses souvenirs, l'autrice ressuscite ses grands-parents, et le livre est comme touché par la grâce dans sa première moitié : tout est juste, sans pathos, cynisme ou nostalgie. Elle vous saisit avec une phrase d'une sobriété pourtant exemplaire :

Si j'avais été sérieuse, j'aurais posé des questions, je me serais intéressée à ces gens, mais je pensais qu'ils seraient là pour toujours, comme mon enfance qui durerait éternellement. (28)

L'autrice-narratrice mène son enquête sur le mystère de la vieillesse (mystère qui les condense tous : le temps qui passe, l'existence, la vie) et interroge des gens sur le sujet dans des chapitres intitulés "Chœur".

Sylvette, 75 ans - Je n'ai pas d'âge. Je ne me sens pas vieille. Est-ce que je me sens jeune ? Non. Je ne me pose pas la question. Je fais exactement ce que j'ai envie de faire quand j'ai envie de le faire. C'est peut-être ça, être vieille. Alors oui, oui, je suis vieille. Et c'est merveilleux. (57)
Bernard, 76 ans - Je suis fâché avec tout le monde. Avec mes amis. Avec mes enfants. C'est des cons. Je préfère être seul. Je suis autonome. Je suis indépendant. (59)

La forme d'écriture en fragments me plaît beaucoup et me rappelle les livres de la merveilleuse Chantal Thomas. J'ai lu ce livre tout doucement, savourant les courts chapitres, m'arrêtant régulièrement comme pour en repousser la fin.

Malheureusement, l'autrice se met trop en scène et parle trop d'elle pour maintenir l'émotion contenue : on décroche de tous ces chapitres d'Agnès et l'architecte, Agnès et la banquière, Agnès qui écrit... Ses dialogues avec son "Alterego" sont assez insupportables. Je l'écris avec tous les regrets du monde : ce livre est gâché par l'ego de son écrivain.

antoinegrivel
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le 16 nov. 2023

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Antoine Grivel

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