Sur le papier, l’idée de ces grandes nefs spatiales, êtres solitaires construits sur une absence, était assez poétique, et le rapprochement avec l’antiquité semblait pouvoir donner quelque chose d’original… Dans les faits, je n’ai vraiment pas accroché.


D’abord, il y a tout le vocable gréco-latin. Je sais que tout le monde ne partage pas ce sentiment, mais j’aime quand, par recoupements, j’arrive enfin à découvrir la signification de ce mot que tout le monde employait l’air de rien depuis 50 pages dans un bouquin de cyberpunk. Ce travail de digestion d’un univers le rend plus réel, m’implique dans ma lecture. Là, c’est exactement l’inverse qui se passe : les barbarismes qui font irruption sont immédiatement renvoyés à une note, ruinant rapidement l’immersion. On se retrouve à apprendre des listes de mots par cœur comme à la dictée, sans réfléchir, sans jamais avoir eu la satisfaction de se les approprier.


Ensuite, c’est bête mais j’ai trouvé l’héroïne absolument horripilante… [Attention, vagues spoils des deux tomes dans les élucubrations ci-dessous.]


Alors que l’auteur nous la présente comme la créature la plus proche de l’humanité disparue, elle m’a paru moins humaine que 99 % des personnages. Elle ne cesse jamais de catégoriser les autres protagonistes, les jugeant à l’aune d’un supériorité morale qui l’autorise à les considérer globalement comme inférieurs ; pourtant leur personnalité semble généralement plus complexe que la sienne, lisse et prévisible. Même le petit robot-infirmière montre plus de caractère que la pauvre femme ! Quant à ce brave Othon, il souhaite simplement vivre une vie bien remplie, une aspiration de mon point de vue plus humaine que celles de Plautine, qui se contente de faire ce pour quoi elle a été conçue.


Et l’héroïne n’est pas la seule à faire tache : ce livre m’a globalement donné l’impression de dire une chose en en montrant une autre. Les programmes sont censés être à peu près incapables d’émotions, mais le plus petit amas de données n’a de cesse de méditer sur le sens de la vie. Le modulateur monadique est présenté comme un être au-delà de notre compréhension, mais tout ce qu’il dit fait parfaitement sens, si bien qu’on en vient à soupçonner Plautine d’être un peu demeurée quand elle fait mine de n’y rien comprendre. Et ainsi de suite… Cette ambiguïté pourrait être passionnante si elle était bien maîtrisée, mais là l’auteur n’a vraiment pas l’air de le faire exprès.


Malgré ces défauts, je n’ai pas détesté Latium. Le contexte m’intriguait, et il restait un suspense réel… mais le discours sur l’humanité m'a semblé simpliste et inutilement pompeux, plus proche du cours de philo d’un prof un peu borné que des réflexions subtiles ou hallucinées qu’on peut trouver chez d’autres auteurs de SF… Je n’irai donc pas recommander ce roman.

anne-irene
5
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le 20 oct. 2020

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anne-irene

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