J'ai bien fait - une nouvelle fois - de ne pas me fier à la moyenne accordée par la communauté SC à ce livre ! Alors, disons-le tout de suite : c'est une oeuvre qui ne peut pas faire consensus.


Parce que très française dans son introspection, un tantinet nombriliste dans l'analyse des soubresauts de la vie sentimentale. En gros, si tu aimes les livres de Jean-Philippe Toussaint et les films de Philippe Garrel, il est fort probable que tu aimeras ce livre de Patrick Lapeyre.
(Si tu es une femme et que le décortiquage de la passion amoureuse te fait vibrer, tu as encore plus de chance de l'adorer)


Bien sûr, le titre m'a interpellée, au départ : n'est-il pas magnifique ? Je pense que là-dessus, nous sommes tous d'accord. Ensuite, le contenu. L'histoire (polyphonique, racontée depuis deux points de vue masculins) est on ne peut plus simple : Louis Blériot (oui, oui), un écrivain torturé (pléonasme) est marié avec Sabine mais entretient une liaison avec une mystérieuse anglaise du nom de Nora. Cette dernière, volage, volatile et insaisissable, navigue entre Louis et Murphy, son ex londonien. Entre les deux capitales et ses deux amours, le coeur de Nora balance, hésite, repart et revient, ne laissant jamais ses amants dans une paix véritable.


Rare sont les livres contemporains qui offrent le mauvais rôle à la femme, qui font d'elle une impitoyable et égoïste séductrice qui ne pense qu'à son petit plaisir, peu sentimentale et infantile (disons-le clairement : une connasse). Le personnage de Nora est de cette race-là. Les codes sont finalement inversés : elle enfile le costume de l'homme et face à elle, ses amants ont la douceur soumise et la compréhension qu'on prête habituellement aux femmes. C'est notamment ce que j'ai trouvé original. Et puis, le thème du triangle amoureux est inépuisable, l'adultère un ressort romanesque infini..


Enfin, il y a la plume de Patrick Lapeyre, tranchante et imagée, qui rend à merveille les circonvolutions des sentiments - la douleur de l'obsession amoureuse, l'extase du corps à corps, les espoirs insensés - et dont je n'ai eu de cesse de souligner les phrases par dizaines. Parfois, c'est simplement une tournure, une belle formulation ramassée, une métaphore bien troussée qui m'ont éblouie et me font dire que oui, ce bouquin est sacrément stylé et ne m'a pas ennuyée une seconde. Les personnages sont bien caractérisés et on suit avec angoisse le quotidien compliqué de ces amants imparfaits.



avec ce perfectionnisme, cette élégance un peu obsessive, propres à ceux qui passent leur vie à attendre quelqu'un.



les longs tête-à-tête, les nuits qu'on passe ensemble, les promenades à deux les premiers mois, permettent normalement à chacun de pressentir la part de bonheur ou de malheur que l'autre lui apportera.



Tu te rends compte, Neville, ça fait deux ans. Deux ans, insiste-t-il, penché au-dessus d'elle, tandis que sa grande ombre lui obscurcit les yeux. C'est vrai, Louis, j'ai beaucoup de choses à me faire pardonner, profites-en. C'est la phrase la plus bizarre et la plus excitante qu'il ait jamais entendu. Il s'est donc allongé sur le corps de la pénitente, le visage enfoui dans son cou, et pendant un long moment ils restent ainsi dans l'obscurité, silencieux, frissonnants, comme s'ils sentaient la dopamine couler dans leur cerveau.



et comme le souvenir est dix fois plus intense que ce qui a été vécu - à cause de la valeur ajoutée de la pensée - il en a le souffle coupé.



Lisez, c'est si beau..

BrunePlatine
8
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le 29 janv. 2018

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