La Soif
7.1
La Soif

livre de Andreï Guelassimov (2002)

Que reste-t-il du monde quand ses couleurs l'ont quitté ? Qu'elles ont fondu, se sont brûlées, effacées ?
La soif est un roman d'une intensité rare, à l'écriture remarquable, forte et tendre, énigmatique et limpide tout à la fois. Un roman aux sujets essentiels, vus par la fenêtre d'une simple histoire tragique, terriblement tragique quoique que banalement simple dans un monde déchiré par mille conflits. On y trouve autant d'invitations à penser la guerre que le sens de la vie, la place du soi et le rôle du lien, familial et amical, la question de l'amour comme celle de l'alcool, et bien sur le sens de la société, dans cette Russie post soviétique tellement chahutée, où un petit livre bleu vient prendre la place d'un petit livre rouge. Car la société a horreur du vide. Mais ces couleurs sont-elles la vérité ?
On y lit en fait une initiation à la vie après qu'elle a été si bouleversée qu'elle n'est plus la vie, pour un homme comme pour un monde ; un récit qui sait dire et montrer, dans la construction même, les méandres d'une pensée sens dessus dessous, choquée, traumatisée, mais toujours vivante ; et combattantes encore.
Et puis il y a encore cette idée géniale du rôle du dessin pour essayer de dire la vie et les morts qu'elle traverse parfois, celle des autres et pour les moins chanceux, la leur propre, alors qu'il faut continuer, « corps et âme », « corps et larmes » comme « il » dit. Continuer dans un monde qu'il faut habiter, se réapproprier, même sans le comprendre : que chacun devra interpréter. Que reste-t-il du monde quand ses couleurs l'ont quitté ? Que le rouge a fini par bruler ? Et qu'avec lui ses valeurs ont fondu ? Reste à le redessiner ; au sens même des artistes de la Renaissance pour qui le disegno symbolisait l'idée, l'intention créatrice, le moment fondateur, plus fondamental que la couleur pour dire, inventer, créer, retrouver son principe premier : la vérité derrière les apparences de la couleur.
Un roman bouleversant et j'oserais dire important, à la puissance symbolique proprement extraordinaire, et que je recommande donc sans réserve.

Julius-Grakus
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le 21 déc. 2021

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