Et nous voilà, enfin, arrivés à la lecture de cette ultime tome (pour l'instant, car si vous êtes attentifs à la scène SFFF, Sapkowski a annoncé qu'il écrirait d'autres oeuvres dans l'univers du sorceleur...). "La Saison des Orages", donc, ou l'histoire des mésaventures de Geralt dans la ville de Kerack au cours de mois pluvieux.

L'intrigue est finalement assez riche : commençant sur pas grand-chose, elle s'épanouit bien vite. On aura ici quelques classiques, pour les amateurs des blonds de Rivie : des intrigues politico-magiques, des amourettes moites avec une magicienne, des chants à la lyre, des créatures en tout genre et bien sûr, de la castagne.


La première question, émergeant spontanément, est la suivante: une narration maltraitant le lecteur est-elle une mauvaise narration ?

Sapkowski est un auteur définitivement atypique. Il l'est dans sa création d'univers, bien sûr, mais particulièrement dans sa façon de raconter une histoire. Ses intrigues sont pleines de non-dits, de digressions, d'ellipses temporelles, de discours volontairement contradictoires ou encore d'alternances de points de vue. le résultat est systématiquement déstabilisant pour le lecteur. "La saison des orages" ne déroge pas à la règle : on a bien du mal à comprendre où l'auteur veut en venir et ce vers quoi il dirige notre malchanceux Geralt.

Mais est-ce nécessairement un défaut ? Après avoir lu et apprécié les huit tomes de la saga (à l'exception du roman "Le Temps du Mépris", que j'avais trouvé excessivement déséquilibré et chiant), je ne peux pas répondre par l'affirmative. Au contraire, le storytelling de Sapkowski est un véritable atout de charme. On finit par apprécier ce flou scénaristique, ce délicat sentiment d'être balloté dans un univers qu'on a appris à arpenter courageusement.

En revanche, et ce malgré son succès, cela fait de la saga du Sorceleur une oeuvre de fantasy plus exigeante qu'il n'y parait et tout sauf "populaire" (on pourra toujours discuter de la définition de populaire... Dans son succès, elle l'est ; dans son intention, beaucoup moins).


Et deuxième question : quand lire "La Saison des Orages" ?

Serait-ce de façon contemporaine aux recueils de nouvelles? On s'y retrouvera d'un pur point de vue chronologique, puisque les évènements ici contés précèdent l'arc de Ciri et donc les différents romans. Ça serait néanmoins vous priver d'un très grand plaisir : épiloguer une saga qui le mérite.

L'idée de ce roman ne m'emballait pourtant pas initialement. Mais voilà, le temps fait son oeuvre et ce roman a fait à coup sûr point d'orgue de façon admirable. Il y a bien sûr le plaisir de retrouver notre taciturne héros dans une ambiance plus "légère" que le dernier roman. Il y a également le fait que Sapkowski est intégré ici quelques éléments appartenant à la "postérité", intervenant vers la fin de saga, et glissés ici en clin d'oeil. Et enfin, il y a cette ultime épilogue cantonné aux toutes dernières pages du roman. C'est absolument brillant d'intelligence et de subtilité, dans les traces directes de la fin des romans. Loin de gâcher le mystère et des différentes interprétations qui ont pu être faites, cela ajoute encore un niveau de complexité supplémentaire. Et punaise, ça transpire d'une espèce d'héroïsme que j'ai adoré (j'ai toujours été un grand sensible sur ces sujets-là!).


Vous l'aurez donc compris, je ne fais pas partie des sceptiques de ce "tome 8", à la fois archétype des romans du sorceleur et épilogue particulièrement divertissant. Très cool.

Wazlib
8
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le 5 juin 2023

Critique lue 18 fois

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Wazlib

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