" Oh no Suzanne please don't cry.Oh no Suzanne, you're gonna drive me mad ..."
Sans l'adaptation récente de cette oeuvre par Guillaume Nicloux je n'aurais peut-être jamais lu ce livre. Du reste je connais assez mal Diderot, son oeuvre véritable à part les quelques poncifs habituels sur "Jacques le fataliste". Ici, il ne reste certainement dudit ouvrage que la fatalité qui semble s’abattre sur Sainte Suzanne, habilement dépeinte derrière un "je" émouvant par Diderot. Effectivement dans ces mémoires, on pense de prime abord que tout est fait pour attendrir le lecteur et ce jusqu'à la fin sur le sort de Suzanne qui se peint malheureuse sans ne jamais s'en plaindre vraiment, elle ne fomente aucune vengeance, c'est une dévote complète qui n'a simplement pas reçu l'appel de Dieu pour vivre dans un Couvent. La vie extérieure lui promet-elle pourtant des jours plus heureux ? (ce que suggère fortement l'adaptation de Nicloux). Ici, Suzanne pardonne tout jusqu'à l'excès des pires traitements, infâmes, lâches, vils, terribles à l'amour pointé comme démoniaque qu'elle ne comprendra jamais vraiment, toute innocente qu'elle est.
Oui, c'est souvent larmoyant mais c'est en même temps si humain, si lucide et si rédempteur que ça fait presque du bien une figure aussi belle en littérature. Aristote, j'entends résonner sa voix, aurait dit qu'il n'y avait aucun intérêt à peindre une âme si heureuse qui tombe dans le malheur, qu'il fallait un peu de contraste mais Suzanne le dit elle-même, elle ne s'est pas peinte dans tous ses défauts, elle croit s'être améliorée et c'est sûrement cela le plus fort ce portrait n'est pas celui de la Religieuse mais plutôt celui d'une dérive totale, d'un enchaînement d'horreurs et d'erreurs qui conduisent une jeune fille à vivre le pire sans pour autant rien savoir de la vie... C'est en tout cas un portrait audacieux de la religion en monastère et en couvent, où l'excès de pouvoir et les tentations de la chair semblent faire autant de mal qu'en politique mais où les dérives sont accentuées par les figures de sacrifice qu’entraîne toute entrée en religion qui peuvent tout autant être guide que mal incarné. Il y a toujours deux manière de voir la religion, Diderot nous livre alors les deux car même face à toutes ces horreurs subies en religion, jamais Suzanne ne remet en cause sa foi en dieu, elle reste croyante jusqu'au bout, forte de ses convictions ... Et jamais vraiment heureuse, jamais vraiment libre, même dehors, toujours tourmentée et tourmentente (bon ça n'existe pas mais tant pis). L'écriture est magnifique quasiment magique, c'est puissant, bref à lire avant de mourir, sans hésitation, c'est chose faite !