Alors que je venais juste de finir "Où est le sens", le livre de Sébastien Bohler sur notre monde au bord de l’asphyxie (https://www.senscritique.com/livre/Ou_est_le_sens/43809739), voilà que Sciences et Avenir de Septembre 2021 recommande la lecture "La (Re)localisation du monde" de Cyrille P. Coutansais, un livre qui propose un autre point de vue (celui d’un homme de mer) sur l’apoplexie de notre planète moribonde et, bien sûr, d’autres solutions…
Il m’a semblé intéressant de poursuivre le chemin entrepris dans ce domaine.
Cyrille Poirier-Coutansais a fait des études de droit à Paris de 1990 à 1995. Il est directeur de recherches au Centre d’Études Stratégiques de la Marine depuis 2015 et conseiller juridique à l'état-major de la Marine, rédacteur en chef de la revue Études Marines, enseignant à Sciences Po (économie maritime) et auteur de nombreux ouvrages dont L'Atlas des Empires maritimes (2013).


Pendant des décennies « l’économie du lego » avait été une des bases de l’économie chinoise qui importait des composants, les assemblait sur place pour en faire des objets finis (smartphones, ordinateurs…) avant de les réexporter vers les pays développés faisant ainsi travailler une main-d’œuvre à bas coût. Mais outre le fait que depuis 2005 le coût du travail est devenu beaucoup moins attractif, de nombreux facteurs montrent que l’on est entré dans la troisième phase de numérisation du monde.
La première phase était centrée sur les personnes, est passée par la démocratisation de deux outils, l’ordinateur (personnel) et le téléphone (mobile). La deuxième a été celle des services qui repose sur la démocratisation d’Internet qui va permettre le développement du e-commerce. Et la troisième est celle de l’industrie qui, via la 5G, va pouvoir produire à la demande pour des consommateurs devenus rétifs à l'attente, et aidée en cela par les progrès de la robotique et du numérique qui permettent une production plus automatisée dans les pays développés, et à des coûts similaires à ceux des pays émergents. Ainsi, avec les énergies renouvelables de proximité et le recyclage des ressources et des déchets de plus en plus efficaces, toutes les conditions devraient être requises pour permettre une relocalisation des aires de production au voisinage de celles de consommation.


Ce livre est une démonstration brillante et particulièrement bien documentée, un tantinet (je devrais dire carrément) optimiste à une époque où le catastrophisme triomphe. C’est un véritable cours de géopolitique mondiale parfois très difficile à appréhender, tant les détails sont foisonnants, surtout si, comme moi, on est quasi ignorant en macroéconomie ainsi qu’en numérique industrielle. Ce qui explique que cela fait un mois que je « travaille » dessus, le relisant deux voire trois fois, et prenant des notes (plus de 10 000 mots). Mais cet ouvrage est absolument indispensable à qui veut comprendre la situation du monde actuel et ce que l’avenir lui réserve.
Avec « Le Plus Grand Défi de l’histoire de l’humanité » Aurélien Barrau poussait un "coup de gueule" face à la catastrophe écologique que nous provoquons avec pour corolaire la destruction imminente de l’humanité. Quant à Sébastien Bohler et son livre « Où est le sens », il nous explique de façon scientifico-philosophique pourquoi nous nous autodétruisons. Plus pragmatique, et sans catastrophisme, Cyrille P. Coutansais expose l’état des lieux et l’évolution probable.


À LIRE ABSOLUMENT.


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Ami lecteur, si cela vous tente, vous trouverez ci-après, une synthèse des notes (réduites des deux tiers) prises en cours de lecture de l’ouvrage de Cyrille P.Coutansais.


Un état des lieux s’impose.
Commençons par un coup de massue : il nous fallait 7 milliards de tonnes de ressources naturelles en 1900. Il en faut 90 milliards aujourd’hui et 167 dans 40 ans !
Mais savez-vous ce que c’est, 1 milliard ? (J’ai lu ça dans un bouquin) Regardez votre montre, votre trotteuse, comptez 60 secondes, il vous faut… une minute (Bravo !) ; mille secondes… un peu plus d’un quart d’heure ; un million de secondes… 11,5 jours (Ah, quand même) ; un milliard de secondes… 31,7 ans ! Vous voyez la différence entre 1 milliard et 1 million ? Alors, 167 milliards de secondes, il faudrait pratiquement 5 300 ans ! Absolument monstrueux…
Et des milliards, il y en aura pas mal, dans ce qui suit…


Il y a une dizaine d’années on vantait la mondialisation, cette « économie du lego » dans laquelle les fabricants achetaient sur étagère, dans le monde entier les différents éléments d’un produit, pour les faire assembler dans « l’atelier du monde » chinois avant de les écouler auprès des consommateurs du monde entier. Sous l’appellation erronée de "globalisation" qui laissait croire à une délocalisation d’usine dans un pays à bas coûts, c’est, en fait, toute la chaîne productive qui s’éparpillait aux quatre coins du monde.


La révolution industrielle, ouvre sur l’ère de la « civilisation du carbone » dont les deux piliers sont le télégraphe et la propulsion à vapeur permettant la circulation de l’information et des marchandises. Et c’est dans les années 1990 que s’épanouit la globalisation que l’on voit s’essouffler aujourd’hui. À cela s’ajoute les câbles de fibres optiques intercontinentaux nécessaires à Internet et la révolution des conteneurs qui permettent la massification des échanges : en 1956, le premier porte-conteneurs en transportait 58, aujourd’hui, le CMA-CGM Jacques Saade en embarque… 23 000. En 17 ans, depuis 2000, le trafic mondial de marchandises par conteneurs a triplé et représente 90 % des échanges internationaux. Mais le système atteint ses limites : « Facteur incontestable d’une élévation du niveau de vie dans le monde, il est aussi à l’origine d’un modèle de développement intenable dans la durée. Ponctionnant trop de ressources, émettant trop de gaz à effet de serre, disséminant trop de pollutions. »


L’ensemble de l’humanité composée de 7,7 milliards d’individus de nos jours, devrait atteindre les 11 milliards à son pic, en 2100. L’espérance de vie moyenne qui, pendant des millénaires se limitait à 20-25 ans pendant lesquels le but était de survivre, devient de vivre. Et chaque seconde, la Terre compte 2,7 êtres humains en plus.


Avec les grandes découvertes de la fin du XV° siècle nous avons eu le sentiment que les terres émergées – et leurs ressources – étaient beaucoup plus vastes qu’imaginées. Aussi la formule de Thomas Pesquet « La Terre est une oasis dans un océan de rien du tout » a fait prendre conscience à quel point nous vivions sur une « oasis », un monde limité, aux dimensions finies, et d’une grande fragilité, tout juste protégée par une fine couche d’atmosphère dont nous devions prendre soins.


Un fossé se creuse entre le mode de croissance de nos civilisations carbone et les ressources disponibles. Il est concrétisé par le jour du dépassement qui marque le moment dans l’année où l’humanité commence à ponctionner plus de ressources que ce que la nature est capable de régénérer dans ce même temps. Ce jour est passé du 29 décembre en 1970 au 29 juillet en 2019 ! Il nous faudrait 1,7 planète pour assurer notre mode de vie (mais on s’en fout) et deux planètes en 2030 !


Revenons à la consommation, les demandes alimentaires mondiales devraient augmenter de 50 % d’ici 2050 de sorte que l’agence de l’ONU recommande une augmentation de la production agricole de 60 % alors que la superficie des terres cultivées ne devrait augmenter que de 4 %. D’où une augmentation de la faim dans le monde alors même qu’un tiers de la production alimentaire est gaspillée.
On note une augmentation faramineuse dans le domaine des protéines animales : de 67 millions de tonnes en 1957 on est passé à 327 millions de tonnes en 2018 avec, rien qu’en Afrique des prévisions de plus de 200 % d’ici 2050.
Ces cultures croissantes ne sont pas sans incidence sur les ressources en eau sachant que 97,7 % de l’eau de la planète est salée et que si l’on excepte l’eau douce piégée sous forme glace, reste 0,7 % d’eau facilement accessible dont la part renouvelée annuellement (pluie) reste faible, 0,02 %, soit 40 000 km^3 ou 5 700 m^3 par habitant et par an ce qui serait suffisant si c’était équitablement réparti. Mais l’Inde, par exemple, qui abrite 16 % de la population mondiale ne dispose que de 4 % des réserves d’eau.


Après l’eau, la deuxième ressource naturelle la plus consommée dans le monde et qui commence à poser problème, c’est le sable. Mélangé au ciment, il permet de fabriquer le béton et s’il en faut 200 tonnes pour une maison, il en faut 30 000 pour un kilomètre d’autoroute et douze millions de tonne pour une centrale nucléaire. Le sable du désert n’étant pas utilisable, reste celui des carrières, des fleuves, dont les réserves s’épuisent, ou de mer (qu’il faut dessaler).
Et bien sûr, le problème se pose également pour le pétrole dont l’exploitation est de plus en plus onéreuse. Aujourd’hui la consommation moyenne par habitant dans le monde est de 4 barils de pétrole brut, mais 21 pour un Américain, 11 pour un Français et 1,5 pour un Chinois. En 2040 la demande mondiale devrait dépasser les 100 millions de barils par jour contre 90 actuellement.


Chaque minute, l’équivalent d’un camion poubelle rempli de plastique se déverse dans les océans, soit huit millions de tonnes par an, le quadruple en 2050 où la mer contiendra plus de plastique que de poissons ! À peine 9 % des 9 milliards de tonnes produites depuis le début, ont été recyclés, 12 % incinérés, le reste enfouis ou en décharges… avec une durée de vie d’un siècle, la submersion guette.
En fait, nous croulons sous les déchets : l’activité humaine en génère 4 milliards de tonnes par an, masse qui devrait progresser de 70 % d’ici 2050 ! Dans les pays à faibles revenus, 93 % des déchets finissent dans des décharges à l’air libre avec les risques que cela comporte de dissémination de produits toxiques qui mettent longtemps à se dégrader avec de lourdes conséquences pour la planète.
Je ne peux m’empêcher de citer la pollution due à l’exploitation pétrolière, encouragée par l’État (Américain), et dénoncé dans l’excellent ouvrage de Eliza Grisworld « Fracture » (https://www.senscritique.com/livre/Fracture/43436416) où l’auteure dénonce les effets dévastateurs de l’extraction du gaz de schiste sur la santé de ses enfants et de ses animaux…
Rappelons qu’un simple mégot mettra cinq ans pour disparaître après avoir pollué 500 litres d’eau – combien de millions de mégots sont-ils disséminés dans la nature ? – Quant à l’industrie High-Tech, sur les 53,6 millions de tonnes rejetés en 2019, seuls 17,4 % sont recyclés et leur masse est amenée à croître de 40 % en dix ans, « une simple cartouche d’encre met, sans traitement, de quatre siècles à un millénaire pour s’éliminer totalement. » En Inde, à Hyderabad, un des sites privilégiés de l’industrie pharmaceutique, rivières, lacs et puits sont si pollués que « les résidents se retrouvent sans le vouloir avec une concentration de bactéricides dans leur sang que même les patients sous traitement n’atteignent pas. »


Un nouveau monde : « made in local ».
C’est en mer que l’on perçois les indices de mutation en cours - Rappelons que l’auteur est un homme de mer – pétroliers, méthaniers et autres vraquiers auxquels se sont ajoutés quelque 5 000 porte-conteneurs en mesure d’embarquer 23 millions de boîtes représentent 90 % du négoce dont l'indice, le Baltic Dry Index (BDI), qui a atteint son plus haut niveau en mai 2008 avec 11 793 points, ne cesse de chuter pour passer sous la barre des 7 000 points quelques jours avant la faillite de Lehman Brothers (15 septembre 2008). Les donneurs d’ordre ont réalisé les limites de la segmentation des chaînes de valeur.


Tous ces éléments vont dans le sens d’un "made in local" qui prend le pas sur le "made in monde". De nombreux facteurs expliquent cette dynamique, telle la troisième phase de numérisation du monde. C’est celle de l’industrie qui, via la 5G, va pouvoir produire à la demande. Elle permet d’obtenir des coûts de production comparables à ceux des pays émergeant, le passage à des énergies renouvelables (locales) au prix du marché, et l’entrée dans l’ère de l’écologie industrielle offre la possibilité de s’approvisionner en matières premières pour partie localement.
La preuve en est l’excellente démonstration des maillots des champions du monde de foot : Juillet 2018, la France est championne du monde de football. Chaque fan veut son maillot à 2 étoiles. Nike annonce qu’ils seront disponibles… pour Noël !
Pendant ce temps, la société alsacienne De fil en aiguille proposera des maillots, non officiels, dès la fin juillet grâce à une production locale.
L’exemple des Maillots illustre parfaitement la mutation numérique des consommateurs en quête de satisfaction immédiate. L’impact du numérique altère notre capacité à différer nos attentes, facilité depuis les années 1990 par tous les systèmes mis en place, le remplacement des liaisons en cuivre par la fibre optique, permettant des débits démultipliés et ouvrant la voie au e-commerce.


Il faut prendre conscience que la révolution numérique s’inscrit dans le long terme, or ce n’est qu’en 2018 que plus de la moitié de la population mondiale a été connectée au réseau des réseaux, les usines sont restées au fordisme, au taylorisme quand bien même le travail à la chaîne se serait peu à peu robotisé et les grandes usines polyvalentes se seraient morcelées en multiples sites spécialisés, disséminés dans le monde : Effet « économie du lego ».
Malgré les difficultés et les imperfections, l’IA donne naissance, aujourd’hui, à des automates de plus en plus performants, à même de participer pleinement au mouvement de numérisation des usines. Trois millions d’unités ont été déployés en 2020, soit un triplement en dix ans.
Mais le problème avec ces robots industriels est qu’ils sont, pour la plupart, câblés. Seul moyen actuel d’obtenir un temps de réaction (temps de latence) compatible avec le rythme d’une ligne de production. Ces limites touchent aujourd’hui à leur terme avec l’arrivée de la 5G qui est, avant tout, un enjeu industriel.


« Cette cinquième génération de communications mobiles, avec un débit multiplié par dix et un temps de latence divisé par dix, sera à même d’assurer l’interaction en temps réel des machines, des robots, qui se nourriront en outre de données issues aussi bien de la ligne de production que de l’extérieur de l’usine, du réseau de distribution des produits en passant par les sites de commandes ou la logistique. Elle offrira en somme la possibilité de synchroniser tout cet ensemble, de permettre l’intégration numérique de la totalité du cycle de production… ce qui change tout. »


Aujourd’hui, une voiture est composée de 5 000 éléments, un Boeing 777 de 100 000, mais à l’avenir, les pièces seront de moins en moins nombreuses grâce à l’impression 3D. La « fabrication additive » date de la fin des années 1980 mais c’est seulement maintenant qu’elle décolle réellement. Les imprimantes 3D représentent un enjeu industriel considérable : moins consommatrices de matières premières, elles permettent de fabriquer des pièces impossibles à concevoir autrement (voire de remplacer plusieurs pièces en une seule), une fois configurées elles peuvent fonctionner 7j/7 sous la surveillance d’un seul technicien.


Dans le domaine de l’aéronautique, le Groupe Safran a mis une dizaine d’années pour certifier ses premières réalisations « Mais le motoriste y croit, investissant 80 millions d’euros pour rassembler ses activités d’impression 3D au Haillan, en Gironde, où 200 salariés côtoieront près de cinquante machines, avec pour objectif la production d’un tiers des composants de ses moteurs d’avion et d’hélicoptère, soit plusieurs centaines de types de pièces. » Évidemment, ami lecteur, ça ne vous dit rien de particulier… moi, si !
J’y ai laissé trente années de ma vie, dans cet établissement. La future entité serait implantée sur des terrains appartenant déjà à Safran, à l'intérieur du périmètre sécurisé d'ArianeGroup.
En prime, pour l’anecdote, une photo d’un des bâtiments qui a vu passé ma jeunesse : https://www.sudouest.fr/gironde/le-haillan/nouvelle-usine-safran-au-haillan-33-pourquoi-c-est-une-bonne-et-une-mauvaise-nouvelle-2794097.php
Dans cet article de Sud-Ouest il est question de l’usine de boites de vitesses Ford de Blanquefort, qui a fermé définitivement ses portes le 1er octobre 2019 faisant 850 chômeurs, tant bien que mal défendus par Philippe Poutou (délégué syndical CGT) investi par le NPA comme candidat aux élections présidentielles de 2012 (1,15 %), de 2017 (1,09 %) et 2022 (?) – je recommande les débats télévisés de campagnes où il est à la fois pathétique et touchant de sincérité.


L’énergie,
Les chocs pétroliers (1973, 1979, 2008) ont poussé à trouver une alternative au pétrole, les énergies renouvelables. Le solaire, avec les cellules photovoltaïques dont le rendement oscille aujourd’hui autour de 20 %, et des prix qui ont chuté de 80 % depuis 2010. Autre source, l’éolien, la Commission européenne vise 300 GW en 2050 contre 12 aujourd’hui.
Mais les énergies renouvelables (hydraulique, solaire et éolien) devraient représenter 35 % de la production électrique mondiale en 2025, ce qui signifie que 55 % de l’électricité seront encore issus de solutions fossiles (avec le charbon en tête auquel il faut ajouter 10 % de nucléaire).


Autre solution l’hydrogène qui permettrait une voiture ne dégageant que de la vapeur d’eau ! Un premier ferry est prévu en Norvège. Pour le ferroviaire, 14 lignes (Alstom) circulent en Allemagne révélant une alternative prometteuse au diesel en l’absence d’électrification. Dans le domaine de la production, investissement d’Air Liquide en Californie pour alimenter 35 000 véhicules à pile à combustible prévus pour 2022. Un début.


Revalorisation des déchets,
Un million de smartphone représentent 16 000 kg de cuivre, 350 kg d’argent, 34 kg d’or et 15 kg de palladium. Sur 1,4 milliards d’unités vendus dans le monde en 2018, on estime que 60 % finiront à… la poubelle. Alors que dans l’Union européenne, le taux de collecte du papier et carton atteint plus de 72 %. N’oublions pas que la revalorisation des déchets consiste à en faire de nouvelles matières premières.


Avant d’incinérer les ordures ménagères, elles peuvent fournir du gaz, ou plus exactement du biogaz. La société française Waga Energy ( https://waga-energy.com/ ), grâce à sa Wagabox, propose du biogaz au prix du gaz naturel. Neuf sites d’enfouissement de déchets ménagers sont déjà équipés. Une fois purifié dans ses installations, le biométhane obtenu est injecté dans le réseau de gaz de ville.
Et que dire de la « chaleur fatale » ? Celle issue d’un processus de fabrication. Par exemple, le site d’Arcelor Mittal à Dunkerque, depuis 1982, son électricité en est issue et il alimente tout le réseau de chaleur de la ville. L’ADEME (L'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) évalue en France, le gisement lié à l’industrie à 109,5 TWh, soit l’équivalent de la production de six réacteurs nucléaires.
L’écologie industrielle est en cours. On peut en mesurer l’évolution à Rungis : le gigantesque marché qui alimente Paris et sa région génère 78 000 tonnes de déchets par an qui, à sa création, en 1969, étaient brûlés. Aujourd’hui 100 % sont valorisés : les fruits et légumes périmés sont transformés en composte, ceux trop mûrs vont dans des banques alimentaires, le reste est incinéré et la chaleur produite chauffe le marché, l’aéroport d’Orly, Choisy-le-Roi ou Vitry-sur-Seine.


En effet, le "made in local", qui bénéficie des atouts de la révolution industrielle, contribue à l’élimination de toute une série de transports superflus – et donc une diminution des GES – et offre des débouchés aux déchets retraités et à une écologie industrielle. En outre, en passant de la stratégie de l’offre à celle de la demande, on met fin aux invendus « impact non négligeable si l’on songe par exemple que plus de 100 milliards de vêtements sont vendus chaque année dans le monde mais que seuls 40 % s’écoulent à taux plein et que 10 à 15 % de la production ne trouve pas preneur ».


Du fait de la désindustrialisation des métropoles, les sites industriels se sont redistribués le long des grandes voies de transport. En France, « elle s’articule autour des routes et autoroutes, l’essentiel de ses flux de transport de marchandises – plus de 80 % – s’effectuant par camions. […] 65 % des sites industriels se trouvant désormais dans des villes de moins de 20 000 habitants. » Cette tendance est d’autant plus engagée que 8 français sur 10 souhaitent quitter les grandes mégalopoles ou leur périphérie. Avec le made in local et l’expansion du télétravail, les choses peuvent s’intensifier. En effet, la pandémie de Covid-19 et sa période de confinement, a agi comme un révélateur en démontrant que le fonctionnement des entreprises, services, administrations ne souffraient pas d’un travail à distance.


Les ressources.
« Si la possession n’est rien, l’accès en revanche est tout » et si le made in local redistribue les cartes, ce qui compte est la capacité à produire, collecter, valoriser les ressources, autant de choses qui ne s’improvisent pas.


Le groupe français Suez, grâce à son usine de dessalement, approvisionne en eau potable les 4 millions d’habitants de Melbourne, en puisant dans l’océan. La firme Sidem, filiale de Veolia, propose Barrel, un module clé en main de traitement membranaire de l’eau, d’une capacité de 5 000 m^3 quotidien, qui peut être aussi bien utilisé pour le dessalement que pour l’épuration. Il peut se révéler un atout précieux, en agriculture, pour le traitement des eaux usées qui, couplé à un réseau de micro-irrigation permet de produire plus, tout en produisant mieux.


Si la pêche industrielle est à l’origine d’une démultiplication des prises elle est aussi la cause d’une surexploitation de la ressource (environ 80 millions de tonnes par an). Reste l’aquaculture qui ne cesse de croître de 10 % par ans entre 1980 et 2000, pour dépasser la production de bœuf en 2012 et envisager 110 millions de tonnes en 2030.


C’est bien joli, l’élevage de poissons, mais ce n’est pas sans conséquences sur la pêche ! Car, à part le tilapia, ils ne sont pas végétariens et il faut les nourrir avec des… poissons. On estime qu’il faut 2 kg de poissons pélagiques pour fournir 1 kg de « chair » d’élevage (jusqu’à 20 kg pour 1 kg de thon rouge ou 4 kg pour 1 kg de saumon). Un quart des poissons pêchés y sont destinés.
Des solutions alternatives existent :
Les mouches. Et en particulier notre mouche « soldat noire »
https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/insectes/l-elevage-de-mouches-soldat-noires-pour-recycler-les-dechets_108218
Dont les larves savent tout faire, y compris nourrir les poissons qui nourriront les humains.
Les scarabées. La société française Ÿnsect (https://www.ynsect.com/fr/) mise sur le scarabée (Tenebrio molitor), son usine de Dole produit une tonne de larves par jour et compte sur son futur site de Poulainville pour passer à une capacité de 20 000 tonnes par an en 2030.


Contrôle des flux :
Dans le négoce tout commence par un HUB (plateforme logistique destinée à toutes les activités liées au transport, au tri, à l'expédition et à la distribution de marchandises) généraliste ou spécialisé, souvent né d’une situation géographique privilégiée (nœud de communications). Mais aujourd’hui l’innovation vient du transport en conteneurs favorisant les hubs purs à vocation uniquement logistique, déconnectés de l’environnement local.


Entre 1998 et 2018 la part de marché des quatre premiers transporteurs de conteneurs (le danois Maersk, l’italo-suisse MSC, le chinois Cosco et le français CMA-CGM) est passée de moins de 20 % à plus de 60 %. On en voit même, de plus en plus, qui suivent leurs conteneurs à l’intérieur des terres, via des partenariats avec des acteurs du ferroviaire, profitant de la caractéristique même du conteneur, celle d’être multimodal : on peut, indifféremment, le charger sur bateau, barge, train ou camion, permettant de proposer aux clients une solution de transport de bout en bout…
Alors POURQUOI ?... Pourquoi me rit-on au nez quand je clame qu’il faut mettre les marchandises dans des conteneurs, et les conteneurs sur les trains ?
Quand il m’arrive, petit bordelais innocent, de prendre ma petite auto (l’une des plus minuscules du marché) pour me rendre à Arcachon ou à Biarritz et que j’emprunte l’A63… pourquoi est-il impossible de rouler sur la file de droite ? Parce qu’elle est occupée par UN MUR DE CAMIONS DÉMESURÉS ET ININTERROMPU, serrés les uns derrière les autres, immatriculés pour beaucoup aux Pays-Bas ou en Belgique, à destination de l’Espagne ou du Portugal… n’y a-t-il pas là, un monstrueux gaspillage énergétique et une pollution aberrante ?
Et ne me parlez pas de l’écartement des rails entre la France et l’Espagne… ou du chômage des chauffeurs routiers… je vous répondrais "Survie !... Y compris de celle des conducteurs de poids-lourds".


Contrôler les comptoirs :
Pendant des siècles échoppes et marchés étaient le moyen d’écouler les marchandises jusqu’à l’arrivée des Grands Magasins laissant la place aux hypermarchés. Il semblerait que ce modèle serait en voie d’extinction, du moins pour sa version physique car sa variante virtuelle arbore une croissance à deux chiffres. La plupart des grandes enseignes ont développé leur place sur le marché virtuel en y ajoutant une possibilité supplémentaire : le drive.


Le contrôle du numérique :
Là, je me retrouve complètement largué… et heureux de l’être, car d’après ce que j’entrevois, existe une véritable guerre de l’ombre chez les GAFAM (Rappel : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et autres BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi), etc. dont l’enjeu est l’accès aux données personnelles du consommateurs et son aliénation au système au travers d’une multitude d’objets connectés qui devraient doubler en 5 ans « Car toutes les composantes de la maison sont connectées, de la consommation d’énergie, à la sécurité, en passant par l’électroménager, les loisirs ou encore la santé. On trouvera ainsi des ampoules connectées, les Hue de Philips, des téléviseurs, réfrigérateurs ou aspirateurs chez Samsung, Xiaomi y ajoutant trottinettes, valises et même… brosses à dents. »


Un peu partout les « chasseurs de têtes » rivalisent d’ingéniosité pour attirer – et garder – les cerveaux, mais voilà que si la Chine investit et mise sur les capitaux, c’est qu’il lui manque un élément pour s’assurer la maîtrise des « cerveaux » : l’écosystème. Car si la Chine fascine, elle ne séduit pas ! Il y a d’abord la langue. L’interdiction d’évoquer les trois « T » (Taïwan, Tibet, Tian’anmen) et le Xinjiang.
Pour maitriser les « cerveaux » il faut de la formation, des capitaux et des marchés propres à développer des start-ups dans un écosystème à même de susciter les échanges, la discussion, la controverse et les innovations. On voit qu’au minimum, il manque à la Chine, la controverse, et à l’Union européenne, un marché suffisamment puissant. Seuls les États-Unis semblent réunir les trois éléments. Et puis, loin derrière, il y a l’Inde, au potentiel important.


Conclusion :
Made in local… le nouveau monde. Lors de la troisième phase de la globalisation, la Chine a su profiter à plein de l’économie du lego en y mettant du sein : zones économiques spéciales, infrastructures portuaires indispensables à l’atelier du monde. Et si la France a raté ce virage, elle est aujourd’hui l’un des pays du Vieux Contient les mieux équipés en fibre optique et principal carrefour de l’U.E. pour la connexion au réseau numérique mondial.
De ce fait, avec Marseille, la France dispose d’un hub numérique de tout premier plan et d’un port capable d’attirer une bonne partie du trafic venu du Sud Méditerranéen. Car le made in local s’inscrit dans de grandes aires régionales qui, pour l’U.E., signifie le continent africain avec sa jeunesse, ses « cerveaux », sa main d’œuvre et ses marchés. Reste à parfaire les liens avec la zone d’influence (l’hinterland) sinon c’est Gène ou Barcelone qui en tireront profit.
Pour l’Union Européenne, l’essentiel est d’être relié à la zone Sud pour faire face aux deux autres blocs du nouveau monde : l’Accord États-Unis / Mexique / Canada, d’une part, et la Chine qui peut compter sur un Partenariat régional économique global.


Reste donc trois ensembles avec les atouts et les faiblesses de chacun. Les États-Unis d’abord, jugés sur le déclin : déficit commercial récurent, endettement (public et privé) abyssal, tensions politiques, communautaires, sanitaires. Mais aussi des atouts : puissance militaire inégalée, grande capacité d’innover.
Le vieux continent peut également compter sur une forte capacité d’innovation et un écosystème « plus apte à transformer ses start-up en licorne », mais il souffre d’un marché intérieur trop segmenté et instable. L’avenir se jouera dans la capacité d’intégration des deux rives méditerranéennes, entre main d’œuvre et « cerveaux » du Sud et capitaux et savoir-faire du Nord.
Si le continent asiatique semble plus pacifique, ce n’est qu’en apparence. Les tensions persistent entre Japon et Corée du Sud, entre les deux Corée, et depuis peu, la Chine inquiète. Cette dernière va devoir tempérer ses ambitions, mettre de la diplomatie là où elle souhaite l’épreuve de force. Ce n’est pas la voie que semble choisir Pékin, mais ce sont les hommes qui écrivent l’Histoire.

Philou33
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le 25 sept. 2021

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