Ce que j'ai pu être duduche, à me laisser embrouiller par les apparitions pas très dignes de Cabu au Club Dorothée ! Il aura fallu que j'attende 40 ans pour me rendre compte de quel dessinateur il était en réalité. C'est chose faite avec ce recueil des dessins que lui a inspiré un livre sur la rafle du Vel d'Hiv, en 1967, le premier vraiment sérieux sur cette question que la France d'après guerre éludait avec une rare constance. Ils sont d'une expressivité et d'une liberté folles, même si le papier a jauni, mettant en évidence les retouches à la gouache blanche. Du coup, on rentre dans la petite cuisine de l'artiste, qui a choisi un style foisonnant pour laisser libre cours à sa virtuosité. Les traits s'accumulent et, curieusement, affinent le motif à chaque fois. Quelle détresse chez les jeunes mères brutalement arrachées à leur foyer par la police, et quelle mesquinerie martiale du côté des forces de l'Ordre. L'opinion de Cabu est lisible dans chaque détail, et dans tous ses cadrages, choisis avec soin. Le livre fait le choix d'accompagner chaque planche d'un texte explicatif, revenant sur les modalités de cette rafle indigne et ses conséquences, notamment au niveau individuel, grâce au témoignage de quelques rares survivants. On y trouve également des commentaires sur les artifices employés par l'artiste pour faire ressortir son message, ainsi que des hypothèses sur ses sources d'inspiration graphiques. Bref, un corpus bien pensé et soigneusement réalisé, sur du beau papier, qu'on referme édifié et scandalisé, comme il se doit, bien déterminé à ne pas prendre pour du pain béni tout ce qui tombe d'en haut, parce que non, parfois, le but de nos institutions n'est pas le bien commun, loin s'en faut... Même un amuseur public qui dessine des petits mickeys peut nous rappeler notre devoir de vigilance. A nous d'y prêter attention, surtout quand il a payé ces avertissements de sa vie.