Il y a quelque chose de frustrant à lire La puissance et la gloire. Car tout, dans cette œuvre, donne l'image du grandiose, du monumental : ce titre aux résonnances épiques et héroïques, l'histoire de ce catholicisme chassé et de ce prêtre prêt à faire de la résistance malgré ses choix de vie discutables, son auteur... Et pourtant... Pourtant on erre au milieu d'une histoire médiocre, avec ce prêtre complètement vile, presque servile ; on erre au milieu de la bassesse, de la lâcheté, de la vie la plus animale, de la boue, de la pauvreté et de l'absence même de considérations théologiques, religieuses ou philosophiques... On voudrait prétendre à la grandeur, et on ne fréquente que la petitesse.

Je me rends bien compte, d'autant plus en l'écrivant, qu'il y a un décalage conscient et voulu de Graham Greene entre son titre et son histoire. La religion comme plus haut sommet de la civilisation humaine, visant la pureté et le Divin d'un côté ; et puis ces hommes d'église, faibles dans leur chair, avides de pouvoir et de richesse, partagés entre leurs croyances et leur humanité de l'autre.

En ce sens, le livre est un ouvrage réussi, à n'en pas douter. Mais l'effet qui persiste suite à sa lecture reste le malaise, l'écœurement presque ; mais un malaise et un écœurement sans objet, sans cible. Ce n'est pas ce curé qui nous dégoûte, ni même la société mexicaine de l'époque ou les gens qui croisent la route du personnage suivi. Ce qui dégoûte seulement, c'est le décalage fait entre les promesses de l'auteur et l'effectivité de la lecture. C'est la déception.

Qui sait, c'est peut-être le même malaise, le même écœurement qu'ont pu ressentir tous ces croyants trahis par ces prêtres faibles et lâches ; peut-être était-ce, aussi, une volonté de l'auteur. Mais j'ai peur de surinterpréter le texte, et je vais m'en tenir à mon 6. Je n'hésiterai pas à changer ma note si quelqu'un me convainc que je ne surinterprète pas, mais que je cerne bien les volontés de l'auteur.

THobbes
6
Écrit par

Créée

le 5 févr. 2024

Critique lue 11 fois

THobbes

Écrit par

Critique lue 11 fois

D'autres avis sur La Puissance et la Gloire

La Puissance et la Gloire
SugarBoy
8

Silence, de Martin Scorsese

Il n’y a que deux sortes d’hommes : les uns justes, qui se croient pécheurs ; les autres pécheurs, qui se croient justes. Blaise Pascal, PenséesPsychologie du tyranCombien curieux il est de lire,...

le 21 mai 2022

1 j'aime

La Puissance et la Gloire
GrandGousierGuerin
10

Critique de La Puissance et la Gloire par GrandGousierGuerin

Dans un pays qui serait le Mexique des années révolutionnaires, en proie à un anticléricalisme d’Etat extrême : soit le prêtre renonce à son office et se marie, soit on le passe par les armes ! Un...

le 20 sept. 2015

1 j'aime

La Puissance et la Gloire
THobbes
6

Un sujet à peine effleuré

Il y a quelque chose de frustrant à lire La puissance et la gloire. Car tout, dans cette œuvre, donne l'image du grandiose, du monumental : ce titre aux résonnances épiques et héroïques, l'histoire...

le 5 févr. 2024

Du même critique

Ava's Possessions
THobbes
7

La réussite sans budget

Après le visionnage de ce film, deux idées s'imposent à notre esprit, qui n'en forment plus qu'une à la fin : d'abord, l'œuvre est bourrée de bonnes idées ; ensuite, ça sent la production low cost...

le 24 avr. 2024

3 j'aime

Constellation
THobbes
9

Quel spectacle !

Il faut parfois savoir s'incliner devant une œuvre qui ose. Et c'est le cas de Constellation. Cette série ouvre la porte au risque, et le fait de manière brillante et intelligente. Il y a tout...

il y a 7 jours

1 j'aime

2