Montréal 1976, une toute jeune fille de 14 ans affole le gymnase olympique: un 10 aux barres parallèles, la note parfaite, celle que personne n'a jamais atteinte, celle qu'on pensait à tel point inaccessible que même les compteurs sont incapables de l'afficher et la muent en 1.00...


En réalité, elle obtiendra cette note parfaite à sept reprises au cours de ces jeux olympiques.


Ce petit miracle, on le doit à Nadia Comaneci, pur produit du communisme, venue de ce pays de l'est qu'on n'évoque alors qu'avec un peu de mépris au coin de la bouche: la Roumanie.


Lola Lafon, dans La petite communiste qui ne souriait jamais, retrace le parcours de Nadia Comaneci depuis sa découverte dans une cour d'école par le controversé et tempétueux entraîneur Bela Karolyi, jusqu’à sa fuite du régime Ceausescu en 1989, à peine quelques semaines avant que le couple infernal ne soit fusillé en direct à la télévision après un procès de 55 minutes.


Le parcours exceptionnel, dans tous les sens du terme, de Nadia Comaneci constituait évidemment un terreau romanesque formidable.


Et à ce titre, le roman est effectivement passionnant tant la personnalité, comme le parcours de la gymnaste, sont riches et complexes.


Lola Lafon aborde par ailleurs la question du rapport au corps notamment dans le sport où l'on s'extasie devant le corps "parfait" de fillettes de 13 ans qui, quelques années plus tard, lorsque la nature les aura faites femmes, n’auront plus droit qu'à des regards de mépris et de condescendance.


Ce faisant elle interroge intelligemment le rapport social et politique au corps des femmes à propos duquel tout le monde semble pouvoir exprimer une opinion, sauf les intéressées...


Ce qui laisse un peu perplexe en revanche, c'est la structure narrative adoptée par l'auteure.


Le roman est une mise en abyme dans lequel on retrouve le récit principal évoquant la vie de la jeune gymnaste, entrecoupé d'a-partés de l'auteur (fictif) dudit roman consistant en des entretiens avec une certaine Nadia C. au sujet de l'ouvrage qu'elle est en train d'écrire...


Or la manœuvre est gênante à deux titres.


En premier lieu, en terme de fluidité, elle rompt de manière assez peu opportune le récit puisqu'elle extirpe artificiellement le lecteur de l'histoire.


En second lieu, Lola Lafon a pris soin de préciser en exergue qu'il s'agit d'entretiens fictifs avec Nadia, raison pour laquelle elle la nomme alors "Nadia C".


Il est difficile de comprendre ce qu'elle a voulu faire avec ces faux entretiens dont l'utilité interroge.


Surtout, ces passages sont assez dérangeants en ce qu'ils prêtent des propos et pensées, fictifs donc, à Nadia Comaneci non pas dans le cadre d'un récit romanesque, ce qui ne poserait aucune difficulté, mais dans une illusion de réalité, spécifiquement distinguée (l'ensemble des passages étant imprimé en italique) de la fiction.


Je me suis demandée si ce choix avait pour but d'illustrer la réalité du régime Ceausescu, peut-être d'une manière générale des régimes autoritaires communistes, précisément tiraillés entre l'illusion du vrai et le faux, mais il est à mon sens regrettable que l'auteure n'ait pu trancher entre roman et non fiction, l'ouvrage, en terme de littérature, perdant en crédibilité en tenant le lecteur à distance.


La petite communiste qui ne souriait jamais demeure quoiqu'il en soit un roman au dessus de la moyenne, passionnant, et passionné.


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Chatlala
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le 26 févr. 2018

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