Nous sommes en Afghanistan. Le décor illustre l’oppression sous un voile d’impuissance. Ici, nous suivons le parcours de deux femmes qui, à un siècle d’intervalle, mènent un même combat. Un combat qui consiste à aller au-delà des restrictions sociétales, pour sortir du rôle de la fille puis de celui de la femme Afghane à emporter ; tout cela dans l’ambition de prendre un rôle en adéquation avec des aspirations et des rêves personnels. Comme quoi, on peut être une femme, vivre en Afghanistan et avoir des objectifs dans la vie, oui oui !


Shekiba et Rahima partagent le même sang et, à quelques détails physiques près, le même destin. A quelques détails près, parce que Shekiba, l’arrière-arrière-grand-mère de Rahima, a eu la malchance de subir les conséquences d’un tragique accident domestique qui laissera ses marques sur son visage ; de lourdes séquelles qui ne manqueront pas de déteindre sur son destin jusqu’à la fin de ses jours. Comme si ce n’était pas assez difficile d’être une femme en Afghanistan, il aura fallu en rajouter une couche…


Ainsi, le rideau se lève sur une ambiance qui n’a de contemporain que la date. Nous sommes au début du XXIème siècle, dans une province rurale Afghane. Rahima est une petite fille de neuf ans qui occupe la place centrale d’une fratrie de cinq filles. Cinq sœurs et pas un seul frère. Dans une société où l’on voue un culte à l’enfant mâle, c’est un drame.


Afin de pourvoir les filles de certains droits et pour lever la honte qui s’est abattue sur la famille pendant quelques temps, une tradition Afghane (et pakistanaise, d’après Google) suggère que l’une des filles de la fratrie se vêtisse du rôle d’un fils : une bacha posh. Habillée en circonstance, dans cette société où l’absence de fils au sein d’une famille constitue une tare en plus d’être un réel handicap pour les filles de la famille, Rahima jouira des droits et des devoirs d’un petit garçon jusqu’à sa puberté. Elle pourra, entre autres, aider à subvenir aux besoins de sa famille en travaillant et s’instruire en allant à l’école, un privilège dont ne bénéficieront pas ses sœurs.


Suivant la logique des choses, Rahima atteint l’âge de se marier et son rôle premier ne manque pas de la rattraper. Son père, drogué invétéré, arrange un mariage pour elle et ses deux sœurs aînées. Elles seront ainsi données en échange d’inépuisables réserves d’opium où ira puiser leur mère, consumée par le chagrin de voir ses trois aînées entre les mains de trois hommes craints dans toute la province.


Chez ce mari dont elle sera la quatrième épouse à l’âge de treize ans, Rahima cessera de s’appartenir et apprendra qu’une femme ne peut appartenir qu’à l’homme qui en a la charge. Après avoir passé quatre ans dans la peau d’un petit garçon, l’expérience qu’aura vécu Rahima laissera des marques sur l’épouse qu’elle sera pour son mari. Incapable d’accomplir convenablement les tâches ménagères qui lui sont assignées et sans connaissances des devoirs qu’elle a envers son mari quand il vient la prendre, de nuit, Rahima apprend à subir la hargne de ce dernier, ainsi que celle sa belle-famille. Peu à peu, elle se résigne à accepter la situation, tout en nourrissant de profondes aspirations pour une vie meilleure. Ces aspirations seront d’autant plus ravivées par les récits de la vie de son arrière-arrière-grand-mère, que lui racontera sa tante adorée, lors de ses rares visites.


Shekiba, dont le prénom signifie « cadeau », a vécu au début du XXème siècle, dans une modeste famille de paysans dont les principaux vivres provenaient des récoltes de leurs terres. Très vite, elle devient orpheline et l’ironie du sort fera que sa vie s’apparentera à la signification de son prénom. Ainsi, elle sera donnée en cadeau de famille en famille, de mains en mains. Elle passera de la petite paysanne à la jeune fille dont la force physique égalera celle des fils que son père aura perdu, de la domestique dont la liste de corvées est infinie, au garde du harem du roi.
Malgré les nombreux malheurs auxquels elles devront faire face, Shekiba et Rahima apprendront, coûte que coûte, à se relever et à se tenir prêtes à affronter chaque jour que Dieu fait avec l’extrême volonté de cesser d’être aliénées à leur société.


Sur un assez riche fond documentaire, le livre nous fait voyager dans un siècle d'histoire Afghane riche en événements perturbateurs, mais où la condition féminine subit une certaine stagnation. De façon assez intéressante, bien que très subtilement abordé, ce roman met légèrement en relief le fait que la femme soit quelque peu le plus grand ennemi de la femme. Bien au-delà du combat féministe – voire même humanitaire – que mènent ces deux femmes, c’est un ouvrage que je conseille vivement à toute personne en proie aux injustices de la vie.

Hypatin
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le 30 déc. 2018

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