J'entre chez Marc Edouard Nabe par la bonne porte celle de la musique ! Loin de ses errements politiques ou les phrases suppurent de son cerveau comme une vieille chiasse nauséabonde il livre ici une prose amoureuse et vertueuse, une ode à Albert Ayler et à cet art mystique si fantastique si difficile d'accès et incompris qu'est le Free !


EXTRAITS :

La seule chose qu'un anar mystique puisse opposer à la célébration du bicentenaire de la Révolution française, c'est d'écouter sans cesse la Marseillaise d'Albert Ayler. Les cris sacrilèges d'Albert déchiquettent les flonflons. L'Arc retapé va s'écrouler. Le free-jazz broie les réjouissances. Je voudrais que le peuple des bourgeois français en crève. Je voudrais que la Marseillaise d'Albert Ayler sonne l'hallali d'un carnage terrible.

Ce n'est pas la Marseillaise d'Albert Ayler qui me fait rire, mais celle de Rouget de Lisle.

La mayonnaise !

On ne devrait pratiquer le christianisme qu'à la façon des Noirs emportés dans les folies du sacré, en nage, embrasés par une foi qui y croit encore. La transe est la vraie grandeur de l'homme. Les hurlements de bonheur, les prières égosillées, la frénésie qui s'empare du corps en état de croyance totale sont la seule musique que comprend Dieu ; du fond de son absence, il est sensible à ces témoignages de fougue et d'amour. Dans ces moments-là, le chrétien afro-américain, dans son innocente sauvagerie, fait passer l'église de la névrose à l'hystérie collective. Quoi de plus beau qu'un Noir priant un saint avec une certaine idolâtrie ?

Marches militaires, mais aussi vieilles chansons, entrées de cirque, sonneries aux morts, levées des couleurs, échos des bois, cantiques mièvres, rondes gnian-gnian, menuets rococo, bourrées stupides, rallyes déchaînés, vieilleries populaires, rengaines candides... Il prend des airs encore plus éculés que les standards gershwiniens et les triture cruellement. Les fantômes de ces saucissons blancs reviennent sur nous en état de décomposition. Massacre de bagatelles. Ayler montre ce que les airs occidentaux les plus jolis sont devenus : des zombies vermineux et ridicules.

« Je joue pour la beauté qui surgira après tous les conflits et toutes les anxiétés. Cette musique parle de cris d'après-guerre ; je veux dire de cris d'amour que l'on peut déjà entendre chez les jeunes et qui apparaîtront quand les hommes qui recherchent la paix atteindront la paix spirituelle.

L'harmonie suprême est au bout de l'anarchie absolue. Ayler l'a bien senti. Il a fait le chemin.

Nous sommes en 1970. Aux fameuses nuits de la Fondation Maeght. Quelques mois avant sa mort. Ayler vient de jouer la Marseillaise pour le bal du 14 Juillet à Vence. Ç'a dû rendre les arbres fous comme ceux de Soutine. Albert n'a jamais été plus heureux. Il déborde de bonheur. Il a pardonné à la France de l'avoir sifflé quatre ans auparavant, lui et ses ghosts fébriles. Il a oublié les intégristes du be-bop français de la salle Pleyel qui l'ont hué en 1966 parce qu'ils n'aimaient pas la plus belle musique du monde, celle que Jésus se passe en douce, le soir avant de monter sur la croix.

14 juillet 1989. Je suis couché sur mon lit. J'ai éteint la lumière.

Je regarde le plafond.

Le fantôme d'Albert m'empêche de dormir.

Les feux d'artifice seuls m'éclairent.

J'écoute la Marseillaise d'Albert Ayler.

SombreLune
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le 3 mars 2024

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