Certains bouquins sont vachement pratiques dans la mesure où leur titre n’est pas compliqué. Dans le cas de La Horde du Contrevent, c’est tout à fait clair. Toute la base y est, vous allez voir. De un, il y est question d’une horde. De deux, il y est question d'aller à contre-vent. Car la horde n'a qu'un seul but : atteindre le bout du monde, remonter le sens du vent.
Si horde il y a, nous y trouvons donc des gens. Une vingtaine de hordiers entraînés depuis leur naissance en vue de leur seul objectif, l’Extrême-amont. Ce sont eux qui racontent l’histoire. Il y a Sov, le scribe, forcément un des narrateurs les plus actifs, mais aussi Caracole, le troubadour au verbe virevoltant, Golgoth, leader, traceur et espèce de roc humain, Oroshi, aéromaîtresse et donc indispensable experte en matière de vent, ainsi que tous leurs compagnons avec qui ils vivent depuis leur prime jeunesse. Tous constituent d’indispensables maillons de la troupe. On le leur a dit : là, au bout, en Extrême-amont, il y a quelque chose. Ils ne savent pas trop quoi, personne ne l’a jamais atteint, mais ils en rêvent. D’autant qu’ils sont plutôt bons. Emmenée par un Golgoth enragé, la 34ème horde avance à grande vitesse et l’espoir est grand de la voir arriver au bout, malgré la nature des défis gigantesques qu’elle doit affronter.
Point de trolls, gnomes ou de technologie avancée ici. Alain Damasio a créé un monde nouveau entièrement fondé sur le vent. Les règles, mythes, bestioles et machines de l’univers dans lequel évolue la horde sont régis par cet élément omniprésent. Si la horde est bien composée d’êtres humains et qu’elle en rencontre d’autres sur son chemin, elle croise régulièrement des entités étranges ne répondant qu’aux règles de cet univers. Question originalité, c’est donc un travail fameux et admirable. Mais cela se paye par moments d’une certaine aridité du propos. Si l’auteur tient à faire comprendre toutes les arcanes du monde qu’il a créé, via l’apprentissage de certains hordiers, le lecteur doit parfois sérieusement s’accrocher pour y parvenir.
La Horde du Contrevent nécessite donc clairement un minimum d’implication de la part du lecteur. Pour tout dire, j’ai parfois eu du mal à trouver ça nécessaire, quitte à honteusement survoler certains passages. Les multiples narrateurs compliquent les choses mais, à force, finissent par être aisément reconnaissables. Un viking bourru ne s’exprime pas de la même façon qu’un troubadour excentrique (lequel est peut-être le plus plaisant à lire) ou qu’un paisible scribe, ça va de soi. De plus, un signe particulier est présent chaque fois qu’un nouveau narrateur prend la parole.
Cette quête acharnée d’un idéal, impliquant toutes les ressources physiques et morales d’une petite troupe de personnes seules au monde, a quelque chose de très humain dans son absurdité. Difficile de ne pas s’émouvoir du destin de ces personnages si fiers mais parfois pris de doutes légitimes. Avancer, d’accord, mais pourquoi après tout ? C’est parfois la question qu’on peut se poser à la lecture des passages les plus ardus du livre, mais ceux-ci s’accompagnent de tels grands moments que se laisser décourager serait un peu dommage.