"La guerre des boutons" dégage un puissant parfum d'enfance, rien que son titre retentit à mes oreilles avec tous les accents de la nostalgie la plus émouvante. Quel enfant né avant 1980 ne s'est pas enthousiasmé pour le film d'Yves Robert ? Quel enfant n'a pas joué à la bataille et ne s'est pas fabriqué une fronde ? Quel enfant n'a pas fait partie d'un clan ou d'une bande ? Bon, ok, c'était avant que les smartphones et les manettes Wii ne remplacent dans les mains enfantines les marrons, bâtons, mousses et autres cailloux, mais je suis certaine que beaucoup d'entre vous me comprennent.


Longeverne et Velrans sont deux villages du Doubs dont les garçons s'affrontent dans une guérilla sans merci déployée dans les bois et les carrières désaffectées. "Ceusses" de Longeverne, les Lebrac, Tintin, Camus, Grangibus et Tigibus, Gambette et compagnie, s'opposent presque chaque jour après la classe à "ceusses" de Velrans : l'Aztèque, Migue la Lune, Tatti, Touegueule, etc. Gnons et coups pleuvent dru, tout comme les boutons qui sont la rançon de la gloire, confisqués d'autorité aux vaincus qui, bastonnés, humiliés et le froc sur les talons, rentrent chez eux dans un piteux état physique et vestimentaire. Ces deux bandes de garnements et de brise-cous font évidemment le désespoir de leurs parents, fermiers, artisans et commerçants de ce coin de campagne authentique, et surtout celui de leur maître d'école, le père Simon, dont l'enseignement et les tentatives d'assujettissement des vauriens m'ont fait énormément rire.


Au-delà d'une narration très rythmée et bonne enfant, "La guerre des boutons" offre une véritable réflexion sur l'antagonisme viscéral des hommes pour leurs frères et voisins ; ça en dit aussi beaucoup sur l'éducation rurale au début du XXème siècle, plus rude que de nos jours, ce qu'on ne peut raisonnablement pas regretter mais qui fait tout de même s'interroger sur le phénomène de surprotection que subissent les enfants du XXIème siècle.


"La guerre des boutons", c'est aussi un récit chantant, à la langue riche et argotique pleine de saveurs (presque) oubliées. Enfin c'est le témoignage d'un talent fauché trop tôt par la guerre de 14-18 puisque son auteur Louis Pergaud (Goncourt 1910 pour mémoire) en sera l'une des innombrables victimes, à seulement 33 ans.


En bref, un incontournable de la littérature française qu'il est selon moi indispensable de faire découvrir aux enfants... comme aux adultes.

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le 19 mai 2017

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Gwen21

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