La femme de trente ans a ceci de particulier qu'il s'agit en fait d'une série de nouvelles sur une même thématique. A la base, les prénoms différaient d'une nouvelle à l'autre (du moins pour les premières écrites) jusqu'à ce que l'auteur décide qu'elles formeraient un tout. Il entreprit alors une réécriture des nouvelles afin qu'elles coincident pour le mieux; par la même occasion, l'auteur se permet d'achever l'histoire en en écrivant quelques unes de plus. J'avoue être mitigé quant à cette compilation.

Dans un premier temps j'ai reproché les trop longues et inutiles descriptions en début des deux premiers chapitres. S'évertuer à décrire les choses et d'autres pendant la moitié d'un chapitre et ce à deux reprises, c'est ennuyant. Surtout qu'on ne connaît pas encore les protagonistes. Ca paraît donc plutôt gratuit (à moins qu'une relecture ne me fasse changer d'avis). Les deuxièmes moitiés de ces deux chapitres sont par contre excellentes. Heureusement, par après, les descriptions se font plus pertinentes, et puisqu'on commence à connaître l'héroïne, il est plus facile de rattacher les descriptions paysagères à sa personnalité.

Julie est un personnage assez compliqué. D'un côté on peut la comprendre, comprendre sa tristesse dûe à des déceptions de jeune femme... mais d'un autre il est difficile parfois de se prendre d'affection pour elle tant elle se résigne très vite. Elle laisse juste les choses lui arriver, elle subit. Et même lorsqu'elle a la chance de retrouver l'amour en la personne d'un gentil anglais, elle ne lève guère le petit doigt, lui préférant les pleurs. Evidemment les effets fatidiques qu'auront son comportement n'arrangeront en rien sa situation. Puis enfin un autre gentil homme s'éprend d'elle et, après une lutte acharnée, parvient à conquérir son coeur. Mais Julie reste une lâche toute sa vie qui ne se battra jamais pour sa liberté. Même si l'on comprend que l'époque rend ce combat difficile pour ne pas dire impossible, elle aurait tout de même pu marquer une volonté de changer les choses, plutôt que de baisser les bras tout au long de sa vie et donc de notre lecture.

En ce qui concerne les derniers chapitres/dernières nouvelles, Balzac semble ne plus trop savoir quoi raconter. Ainsi, pour l'un d'eux, il adopte, contre toute attente, le point de vue de son mari. Chapitre qui en soi allait se révéler palpitant puisqu'un brin d'aventure émanait de cette histoire de pirate; puis ce changement innattendu pouvait se révéler efficace pour casser la monotonie du récit, changer ainsi la donne. Mais Balzac déçoit par une coïncidence inimaginable à ce stade du récit (je ne spoilerai pas). Coïncidence que l'auteur réitèrera au chapitre suivant en reprenant le point de vue de Julie. Le pire étant que ces passages étaient inutiles. Ces deux évènements servent un peu de happy ending, sauf que le personnage avait été tellement peu abordés jusque là, qu'aucune émotion ne parcourera le lecteur à leur lecture.

La fin était inévitable. Quand on conte la vie désastreuse d'une femme, tantôt parsemée de bonheurs rares, il est important d'aller jusqu'au bout; ainsi sa mort n'est pas une surprise. Par contre j'avoue ne pas avoir porté grand intérêt à cette relation avec sa fille cadette, elle aussi sous exploitée jusque là. Il est bien dommage que pour les derniers instants de son personnage, Balzac fassent fi de tout ce qui avait été entrepris jusque là. J'aurais certainement éprouvé plus de bonheur à observer les derniers interactions entre elle et son amant plutôt qu'avec un autre personnage. Bon dire que Balzac fait fi detout ce qui précède est un peu fort, il est clair que ce passage fait écho au passé de Julie. Mais pour une fin de vie on aurait souhaité quelque chose de plus concluant et de plus direct, et non pas juste un écho.

Bref, entre scènes inconvenues et scènes géniales, le livre vogue inégalement sur les flots des idées de son écrivain. Les dialogues, heureusement, resteront toujours de qualité. C'est vraiment dans la pertinence de certaines scènes que réside le problème. Un lire intéressant à lire malgré tout.
Fatpooper
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le 17 févr. 2012

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