Très différent de son prédécesseur, *La Faute de l'abbé Mouret" tient de l'"essai" - au sens brut du terme. La démarche de Zola est ici assez claire : une version contemporaine de la Génèse lui permet de commenter, d'observer les contradictions, les complexités, les aberrations parfois des dogmes chrétiens. Sans vraiment "dénoncer", l'auteur invite à constater, à réfléchir, transportant le lecteur dans un monde de poésie extrêmement bien charpenté. Beaucoup plus descriptif que La conquête de Plassans, La Faute de l'abbé Mouret est suffisamment beau et riche pour éveiller et attiser l'intérêt. Plus fortes, plus virales, plus sincères que dans "Le Ventre de Paris", les peintures proposées ici ont des allures immémoriales, et, si c'était encore nécessaire, montrent l'impressionnante culture de Zola et sa capacité à tisser des inférences, à construire des rapprochements sans jamais les forcer.
On regrettera simplement un départ trop poussif ; la longue mise en place du livre 1, où l'on découvre toute la dévotion de Serge, pourrait apparaître comme un obstacle aux lecteurs les moins patients. Le roman prend tout son intérêt à partir du livre 2, et même si l'introduction est nécessaire, elle aurait sans doute pu être amputée de quelques redondances.
Quoi qu'il en soit, j'aime ce roman autant que celui qui le précède, mais pour de toutes autres raisons. La fin est d'ailleurs excellente ; la dernière phrase en dit long avec une simplicité déconcertante.