Le plus problématique face à Maurice Leblanc c’est sa tendance à se répéter. Trop souvent on est face à un Lupin bon ou mauvais, mais fondamentalement, on est face à un Lupin. Un livre dont le lecteur connaît vite les codes et les habitudes. De fait, certains Lupin sont très bons, comme par exemple Le Bouchon de Cristal qui a pour lui d’offrir un adversaire à la hauteur de Lupin.

D’autres aventures parviennent à surprendre le lecteur en choisissant justement de s’opposer aux habitudes. Ce n’est pas pour rien que L’Aiguille Creuse compte parmi les meilleurs ouvrages de Maurice Leblanc.

La Comtesse de Cagliostro compte parmi ces récits d’Arsène Lupin où l’on est surpris. Deux intérêts majeurs apparaissent selon moi dans ce roman. D’une part, Maurice Leblanc a l’audace de se mêler au fantastique, c’est-à-dire à ce genre où l’on ne sait si l’on est face à quelque chose de parfaitement rationnel ou au contraire de totalement surnaturel. D’autre part, c’est un Lupin en formation qu’il nous offre ici.


Pas encore Arsène Lupin, Raoul d’Andrésy veut épouser Clarisse d’Etigue. Mais il surprend son futur beau-père préparer un plan machiavélique visant à tuer une jeune aventurière qui se fait appeler La Comtesse de Cagliostro et qui, paraît-il, a plus de 100 ans tout en paraissant à peine 30. Sauvant la dame, Raoul d’Andrésy va épouser sa vie d’aventurière et chercher lui aussi à résoudre une énigme historique qui cacherait des millions et des millions.


Dans ce texte, on découvre donc un Raoul pas encore Lupin qui va découvrir au fur et à mesure tous les moyens pour devenir lupin. Sans jamais être posé de manière trop formelle, Maurice Leblanc s’amuse avec son lecteur d’un Raoul qui s’offusque que l’on soit chef de bande. Le futur Arsène découvre donc ici la force de son génie, son charisme, son audace, son intelligence. Mais il n’a pas encore l’expérience. Il ne prévoit pas tout plusieurs coups à l’avance, il n’a pas un réseau autour de lui, il ne connaît pas les lieux avant même de s’y rendre et n’est pas préparé à toute éventualité. Pire : ici Arsène Lupin n’existe pas, Raoul d’Andrésy n’est pas encore le légendaire gentleman cambrioleur aux milles visages ! La capacité transformiste de Lupin n’existant pas, le lecteur a la surprise de lire une des rares œuvres où Lupin ne saurait se cacher réellement.


Il y a un plaisir rare à pouvoir ici lire les premiers pas du voleur, voir sa personnalité se former, voir ses décisions être prises et le voir découvrir ce qui lui manque, de façon subtile, sans que jamais Leblanc ne force le trait.

Sa personnalité aussi gagne en se précisant : Raoul est encore immature en amour, cruel sans le vouloir et naïf quant à la violence dont le genre humain est capable. Il n’est pas encore le grand cambrioleur. Il n’est pas davantage le raffiné gentleman.


Bien entendu, le récit n’est pas parfait. Faisant environ 300 pages, il met presque un tiers à véritablement démarrer. Il souffre également de la technique de théâtre habituel de Leblanc où Lupin parvient à tout épier grâce à une cachette (souvent naturelle) lui permettant de voir sans être vu. Il repose également sur le côté mystérieux et sur le contexte des premières aventures.

En soi l’énigme elle-même est loin d’être la plus intéressante que Lupin ait résolue.


La Comtesse de Cagliostro fait partie des références pour les lecteurs d’Arsène Lupin puisque ce texte offre une véritable origine à la carrière de gentleman-cambrioleur, expose les failles du personnage, le rend plus humain et aussi parce qu’il propose un genre différent de ce que l’on a dans les autres textes.

Il est nécessaire néanmoins de connaître un peu Lupin pour apprécier pleinement ce récit qui offre justement une rétrospective amusante.

Sans être le meilleur des Lupins à mon goût (je lui préfère largement l’Aiguille Creuse par exemple), La Comtesse de Cagliostro est un roman solide, sérieux et bien écrit qui rentre dans les œuvres qu’on peut lire avec confiance ! C’est un bon Lupin et on se régale !

mavhoc
7
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le 24 déc. 2023

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mavhoc

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