La Cité Diaphane est dans le fond et la forme une drôle d’expérience.


Il apparait dans un premier lieu comme un ouvrage de dark fantasy, méchamment dark, qui évoquera rapidement un univers à la Bloodborne (salut les masochistes !) contorsionné pour avoir des allures de conte. Du conte macabre, il y a beaucoup : dans la volonté très « intemporelle » donnée au récit, des personnages qui n’auront même pas de noms, un univers qui ira volontiers du côté de l’onirique. Et ces éléments se glissent in fine dans un vaste schéma à la morale finale particulièrement cruelle.


Roche-Etoile, ville labyrinthique complètement désertée, participe pour beaucoup à l’ambiance si particulière de ce récit. C’est glauque et inspire un malaise dont on ne se départira pas jusqu’à la fin du récit. Cette idée de ville autrefois lumineuse désormais empoisonnée et traversée par des âmes damnées donnent un ton malsain, et l’avancée du récit ne fait qu’abonder dans ce sens.


Ce qui surprend bien plus, et vous le saurez si vous avez déjà lu quelques critiques autour du bouquin, c’est la structure narrative choisie par Anouck Faure. Je n’y vois pour ma part pas un échec, mais certainement une atypie. La Cité Diaphane est un roman évidemment doté d’une chronologie cohérente mais étrangement « cloisonnée » : on assiste finalement à des changements de tons et « quasiment » (lisez, et vous comprendrez le « quasiment ») de narrateurs. C’est, je trouve, assez malin dans le jeu narratif et démontre une certaine originalité dans la construction de récit.

La contrepartie, et elle est ici lourde, c’est cette impression de mix-up. On croirait lire différentes novellas montées pour faire un roman, mais pas vraiment une œuvre pensée comme telle. Cela donne une impression de fins de récit multiples (pour preuve, on pourrait s’arrêter de lire à plusieurs moments le roman et partir avec la confortable idée d’un « texte intégral ». Cela n’est pas mauvais ni délétère en soi, mais éprouve un peu le lecteur à qui on impose autant le freinage que le redémarrage (parfois poussif).


Par ailleurs, on avouera que la fin est un peu longuette mais loin d’être mauvaise, et j’adore cette conclusion quasiment amorale m’ayant rappelé, dans un tout autre registre, la finalité de certains de récits de Philip K. Dick (on peut en discuter avec spoilers en messages privés si vous trouvez la comparaison absurde, ce que je peux imaginer).


Bref, si La Cité Diaphane est trop inégal pour devenir le roman d’imaginaire de l’année, il reste un texte particulièrement intriguant, une bizarrerie, ce qui est dans ma bouche une incroyable qualité.

Wazlib
8
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le 5 juin 2023

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