L'Ours
7.6
L'Ours

livre de Anton Tchékhov (1888)

De fidèles et de constantes, il n'y a que les vieilles et les moches !

Après Sur la grand-route, "Étude dramatique", me voilà passée à une "Plaisanterie en un acte", qu'on classe dans les Farces de Tchekhov. Pièce comique très courte, en dix scènes de deux-trois pages chacune, elle repose donc sur une intrigue très simple. Popova est une aristocrate, veuve zélée, qui a décidé de porter le deuil de son mari jusqu'à sa mort, bien que n'étant pas sans savoir que ce dernier avait passé sa vie à la tromper. Survient Smirnov, propriétaire terrien incapable d'obliger ses débiteurs à lui régler leurs dettes, à tel point qu'il se retrouve dans une situation financière plus que préoccupante. Popova, sous prétexte qu'elle a trop de chagrin pour s'occuper de question d'argent, ne déroge pas à la règle. Comme elle est le dernier espoir pour Smirnov de récupérer une partie de ce qu'on lui doit, il décide de ne pas bouger de chez elle tant qu'elle n'aura pas réglé ses dettes. Sur quoi les voilà s'affrontant sur la question des défauts inhérents au sexe féminin et masculin, puis carrément en duel, Smirnov provoquant Popova, et Popova répondant à sa provocation.


Il n'y avait sans doute pas de la part de Tchekhov de volonté très ambitieuse dans l'écriture de cette pièce - une de celles qui fut les plus jouées et qui connut le plus de succès. Les personnages s'enlisent dans un ridicule voulu par l'auteur, Popova avec ses manières de veuve éplorée, Smirnov avec son aspect un peu rustre et sa détestation des femmes. Il y a là une critique de la société contemporaine (amenée à évoluer ?), illustrée par un Smirnov qui va passer des clichés les plus misogynes à un acte radical qui vaut déclaration d’égalité entre les sexes, autant que par une Popova qui, après avoir joué les femmes éplorées - comme il se doit à l'époque -, va étonnamment relever le défi. Pour autant, la pièce est tellement courte et le nombre de personnages tellement restreint que Tchekhov ne prend guère le temps de construire des scènes suffisamment solides et efficaces. Disons-le, certains retournements de situation, trop rapides, sont un peu bâclés, et tout n'est pas très subtil, même si on a droit à des passages et à des répliques franchement drôles.


J'ai cru comprendre que Tchekhov misait beaucoup dans cette pièce sur le jeu des deux acteurs (et, naturellement, sur l'opposition des personnages), ce qui expliquerait en partie que l'intrigue ne soit pas davantage travaillée. On dit aussi que Tolstoï a vu cette pièce de nombreuses fois, et que chaque fois il riait aux éclats. Ma foi, il n'y a pas de mal à être bon public ! Qu’on soit un grand écrivain ou pas.

Créée

le 24 oct. 2017

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