Après l'anti-matière, voici l'anti-Space Opera...

M. John Harrison n'est traduit que de fraîche date en France : La Mécanique du Centaure, un roman de 1975 a attendu 28 ans pour être publié dans la collection Folio SF. Outre-Manche, Harrison est un écrivain doté d'une bibliographie conséquente, qui a participé à la mythique revue New Worlds de M. Moorcock et influencé des pointures telles que Iain M. Banks ou China Mieville. C'est dire si notre homme connaît bien la SF, ses codes, ses tics.

L'Ombre du Shrander étant affilié au Space Opera, vous y trouverez bien un futur lointain (le XXVe siècle), une humanité qui a essaimée dans notre galaxie, des extraterrestres étranges (les Nouveaux Hommes), belliqueux (les Nastics), des vaisseaux spatiaux, des batailles spatiales, des descriptions à l'échelle de l'année-lumière, d'autres à celle de la nanoseconde, des révélations cosmiques, du sens of wonder, des personnages hors du commun.

Ce qui élève ce roman bien au-dessus du Space Opera moyen, c'est l'inversion que Harrison effectue au niveau du rapport personnages/action, décors. Dans le Space Opera classique, les premiers sont totalement au service des seconds. Dans L'Ombre du Shrander, rien de ce qui se passe n'est gratuitement spectaculaire, ce qui est décrit sert à éclairer, illustrer, développer les tourments, les espoirs et le destin des trois protagonistes.
Ce renversement est servi par une narration très serrée, allusive, avec beaucoup de travail sur le rythme et des ambiances extrêmement variées (de la pure bataille spatiale à des récits oniriques teintés de fantastique). Au fil des pages, on découvre et on apprécie une forte parenté stylistique avec le William Gibson de Neuromancien.

Etrange, intimiste, excitant, L'Ombre du Shrander donne au Space Opera un bain de jouvence bienvenu, en en faisant un moyen plutôt qu'une fin.
louiscanard
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le 7 janv. 2011

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