une bonne rédaction de collégien, un mauvais livre

J’ai détesté ce livre de toutes les fibres de mon corps. De la première à la dernière ligne. Voici en 10 points, plus ou moins importants, pourquoi :

1 : Le titre. Odyssée vient de Odysseus, le nom grec d’Ulysse. Le titre veut donc dire l’Ulysse de Pénélope. C’était déjà mal parti. Mais sans doute m’objecterez-vous que le mot odyssée est passé dans le langage courant. Certes, mais il signifie voyage. Où est le voyage dans ce livre ?

2 : Dans le domaine de la réécriture de l’Odyssée, il y a déjà du très lourd. Ce livre passe donc après l’Odyssée, qui est elle-même une réécriture, et Ulysse de Joyce, qui est un livre indépassable. C’était déjà mal parti.

3 : L’impression de lire un disney tant c’est niais. Car oui, les américains, n’ayant pas d’Histoire, ou une Histoire si honteuse qu’ils n’osent s’y appuyer pour leurs œuvres, sont obligés de piller les autres cultures. Voyez la petite sirène. Chez Anderson, la petite sirène veut être humaine pour avoir une âme immortelle. Certains ont voulu y voir une métaphore de l’homosexualité de son auteur. Qu’en a fait disney ? Une simple historiette d’amour. Pourquoi salir le grand récit d’Homère, et au passage Joyce, pour pondre un livre si médiocre, si vain et immature ?

4 : Les petites remarques aux boutiques de musées, au dopage des sportifs etc. n’ont comme seul effet que de me sortir du roman, où j’ai déjà grande peine à entrer.

5 : Style digne d’un collégien. « Je suis né là. J’ai fait ça. Dans nos coutumes, on faisait comme ça. »

6 : Un récit féministe ? Pénélope ne fait que pleurer et être jalouse d’Hélène. Elle dit à Alkinoos qu’il ne peut pas vouloir d’elle car elle commence à avoir du ventre. L’action se passe en – 1200 ou en 2000, sérieux ?

7 : Des airs de mauvaises série B, Antikoos et sa flèche dans le cou, sérieux ?

8 : Manichéen, tous les hommes sont méchants.

9 : La goutte d’eau qui fait déborder l’amphore : les chants des servantes déguisées en marin. On nous cache même plus que nous sommes dans un disney, c’est affligeant.

10 : L’éditeur nous vend le livre comme subtile, impertinent et féministe, mais c’est en réalité tout le contraire. A aucun moment il n’est subtil, aucun non-dit, aucun travail de réflexion est laissé au lecteur pour prendre de témoignage comme un témoignage, c’est-à-dire orienté. Impertinent ? Je cherche encore l’impertinence. Féministe ? Dresser le portrait de Pénélope pour en faire une pleureuse, est-ce féministe ? Prenons exemple sur Joyce, dont le propos féministe est perceptible par la forme même du roman : Pénélope (Molly Bloom) ne parle pas les 1100 premières pages du livre. Puis vient le célèbre monologue. En quoi est-il féministe ? Joyce faisant parler son personnage féminin uniquement pour elle-même nous montre (par la forme uniquement) que la femme dublinoise du début du 20e n’a pas la parole en société. Que lui reste-t-il ? Un flot intarissable de parole intérieure.

L’extrême fin reste tout de même intéressante, elle montre l'intersectionnalité des discriminations à l’égard des femmes, même si c’est fait en tuant la subtilité. Je vois deux interprétations possibles : la première (anachronique à la rédaction du livre), représente les dérives post-metoo : un homme, Ulysse, condamné par la meute alors qu’il est dans son bon droit. La deuxième : un changement de paradigme du 21e siècle : les victimes, fussent-elles insignifiantes, ne peuvent rester invengées.

Mais cela ne sauve pas le roman, qui est en réalité une dissertation de collégien ayant pour consigne « réécrivez l’Odyssée du point de vue de Pénélope ».


jacmaz
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le 1 mai 2023

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