SOS mon nietzschéen a besoin d'aide !

Avant de commencer, je tiens à faire remarquer que la majorité des critiques de ce site passent totalement à côté du livre. Je ne dis pas avoir forcément tout compris à 100% et avoir la vérité, mais ne pas citer Nietzsche (ou Stirner), ne pas évoquer le nihilisme du personnage, en parlant de ce livre c'est signe que l'on est vraiment passé à côté...

Je renvoie vers cet article qui est éclairant : https://books.openedition.org/septentrion/74029?lang=fr#ftn41

En tout cas, la lecture de Nietzsche est un prérequis, il me semble, pour bien comprendre ce livre.

Tout d'abord, il faut noter que ce roman est simple et rapide à lire. Le style est sobre, des phrases courtes, un vocabulaire très usuel, peu de figures de style. Le récit linéaire avance vite à travers de nombreux courts chapitres. Des personnages peu nombreux et explorés en dehors du protagoniste. Un style et une narration plutôt commune en somme, il ne faut pas chercher grand chose de ce côté-ci.

Que nous raconte Gide ?

L'histoire de Michel, un protestant pudibond marié à Marceline, une chrétienne. Sa vie tourne autour de l'histoire et de la philologie, dans ces domaines il est d'ailleurs très doué et reconnu. Mais il tombe gravement malade et frôle la mort. Cette expérience lui donne l'envie de vivre pleinement, et le conduit à refonder sa morale pour une amoralité égoïste exaltant la vie. Dans son parcours il rencontre Menalque qui est la figure de l'amoral accomplie qui est un guide pour lui. Sa femme, elle, tombe malade, et finira par mourir en bonne partie de sa faute. Michel seul, sans morale, sans but, tombe dans son vice qui est la pédophilie, bien loin de la grande vitalité qui était visée, il finit par appeler ses amis au secours.

Quels sont le but et le message du livre ?

Nous avons ici une réflexion nietzschéenne.

Il faut d'abord remarquer qu'un élément perturbant est là dès le début du livre, et sera là tout du long : Michel a vraiment un grand intérêt pour les jeunes et beaux garçons, il aime beaucoup nous les décrire... Jamais il ne se l'avouera directement, mais il est pédophile, et sa morale le retenait, problème il n'a plus cette morale, et n'ayant plus de but, il n'est plus que guidé par son vice, il en est prisonnier.

C'est en fait un échec. Michel n'atteint pas la grande santé visée, il a besoin d'un but, d'être canalisé. Il s'est bien délivré de la morale, mais ne sait pas user de cette liberté :

Savoir se libérer n'est rien ; l'ardu, c'est savoir être libre.

Il est maintenant face à son nihilisme et sa pédophilie, il compte sur sa nature sociale d'homme au travers de ses amis pour le secourir.

Gide nous expose bien les dangers de ce type de philosophie, et tente de nous apporter une solution (ou de s'apporter).

Cette sociabilité est un point qui dans ce type de philosophie est souvent oublié. Il est intéressant de voir cet individualisme aristocratique où l'amitié est vraiment importante.

En conclusion :

J'ai trouvé ce livre vraiment sympa, derrière une simplicité apparente se cache une vraie réflexion. Je ne savais pas que ce livre parlait de telles problématiques en le commençant. J'ai trouvé que la façon dont Gide nous suggère son sujet par de petites références à la philosophie ici et là ainsi qu’à la vie de Nietzsche à travers celle de Michel est très sympa. Il y a un moment où on se dit "Bien tien ! C'est étrange ! On dirait Nietzsche non ?" puis arrive la certitude que nous parlons bien de Nietzschéisme, en particulier quand Michel commence à nous montrer une généalogie de la morale simplifier dans son cours, et là tout devient clair, tous les thèmes nous sautes aux yeux :

L'amoralisme, l'égoïsme, le couple fort / faible, l'oublie, l'histoire, l'exaltation du vitalisme et des anciennes cultures, la religion et la morale nocifs à la vie (d'ailleurs sa femme ne meurt-elle pas de ça d'une certaine façon ?).

Il faut noter que le livre, malgré son titre, n'est pas vraiment choquant. Bien sûr il y a des actions immorales, mais ce n'est pas du Sade, on ne rentre pas dans le détail, l'argumentation ne va jamais pour le vice, seulement pour la liberté.

J'ai par contre 2 reproches à faire au livre :

Il est très convenu de part son style et sa narration. Le style en particulier aurait pu être plus travaillé, le livre y aurait vraiment gagné, nous aurions pu beaucoup plus rentrer dans ce qui arrive à Michel, car le style est ici fort impersonnel.

Aussi Gide a étrangement choisi le terme "immoraliste", alors que le personnage n'est pas Immoral, mais Amoral.

Un livre qui plaira donc aux personnes pour qui l'amoralisme ou la pensée de Nietzsche tiennent à cœur.