[Avis tiré de ma fiche de lecture du livre, d'où le manque de transitions, le caractère descriptif avant tout, etc.]

Le dépérissement de l’Etat au sens marxiste est impossible selon Ellul. L’État ne peut cesser de croître. Une fois cette grosse machinerie en place, il ne suffit pas de le vouloir pour le supprimer, même progressivement. Une fois qu’il est là, c’est trop tard. Lénine s’en serait lui-même étonné dans son testament, selon Ellul.

Il n’y a pas de contradictions entre une dépolitisation (diminution de l’engagement dans le cadre institutionnel du politique, par exemple par le vote et le militantisme) et une politisation de la société (c’est-à-dire le fait de s’attacher à analyser tout phénomène social comme politique ainsi que l’introduction croissante de l’État dans tous les domaines de la vie).

Ellul définit la politique en insistant sur l’importance des moyens et non des fins, ainsi que la possibilité de s’inscrire dans le long terme pour le dirigeant politique.

Aujourd’hui, la politique possède un caractère à la fois nécessaire (au sens d’un déterminisme fort) et éphémère (les phénomènes politiques sont courts, futiles et n’existe que par la médiatisation). Elle est nécessaire parce que la politique est notamment soumise aux techniciens sur lesquels s’appuie le politique. Ce sont les faits (l’efficacité, donc un fort déterminisme économique et technique) et non plus les valeurs qui décident de la politique.

Partie du livre sur l’autonomie du politique :

• L’Etat exerce la violence afin de se conserver lui-même. Tout exercice de la violence par un autre acteur de la société que lui est instantanément réprimé par l’Etat. Il y a donc une autonomie de la sphère politique par rapport aux autres sphères de la société, elle s’en détache pour se reproduire elle-même en utilisant une violence jugée légitime.

• Une sous-partie insiste à nouveau sur le fait que la politique est autonome par rapport aux valeurs.

Partie du livre sur le monde des images :

Il n’y a quasiment pas de faits objectifs en politique. Les faits sont sélectionnés par les médias de manière opportune pour et par eux-mêmes et l’on raccroche ensuite – et seulement ensuite - à ces faits des valeurs. Le rapport entre politique et actualité relève principalement d’une affaire de croyance. Ellul a étudié la propagande par ailleurs et insiste sur ce sujet.

• La propagande par l’Etat et les partis comptent désormais autant que les fins visées par eux-mêmes. Il faut savoir jouer et mettre en images (et surtout en symboles) avant toute chose.

L’État est une administration, c’est-à-dire une bureaucratie relativement autonome. Les décisions prises sont déformées au fur et à mesure qu’elles descendent dans les services qui développent eux-mêmes une forme d’autonomie. Il y a une inertie énorme de l’administration et des méthodes de celle-ci. Le pouvoir dirigeant est donc limité par la structure même du pouvoir étatique qui s’inscrit dans une forme administrative.

Les syndicats et les partis sont encore pires en termes de démocratie que l’État et le Parlement. Les dirigeants sont très peu liés et ne représentent pas vraiment la base des syndiqués et des militants.

L’État serait la solution à absolument tous les problèmes, notamment selon la pensée de gauche, et Ellul critique cela. L'auteur fait alors un parallèle avec la religion : on attend de l’Etat qu’il réalise toutes les valeurs, ce qui nous aliène et empêche les humains de se responsabiliser par eux-mêmes.

Il faut également dépolitiser dans le sens démythifier le politique selon Ellul, c’est-à-dire le relativiser, mais il ne faut pas pour autant l’abandonner pour se replier entièrement dans la vie privée.

Ellul propose une analyse critiquant la demande d’adaptation à la société en considérant que la tension est un facteur formateur très important pour l’individu. Ainsi, une société unifiée est une horreur car il faut une pluralité pour qu’il y est tension et donc humanité. C’est par la tension qu’il y a création et progrès. Rechercher l’unité absolue, c’est rechercher le calme de la mort.

Devenir démocrates, c’est assumer qu’il y a une responsabilité des sujets (alors que les sciences humaines déresponsabilisent l’individu selon Ellul), il faut changer la société ET l’humain.

Après Marx, l’Histoire a prouvé que la désaliénation économique n’entraînait pas nécessairement la désaliénation politique : l’humain est resté enchaîné à l’État.

Il faut aussi accepter que l’efficacité ne soit pas ce que recherche la démocratie. L’humain moyen de la démocratie doit être un être raisonnable, c’est-à-dire s’appuyer sur une « droite raison » tout en ne se faisant pas trop d’illusions. Il faut assumer les différences dans la société, communiquer au maximum et valoriser les minorités politiques afin de leur permettre d’être entendues.

La postface postérieure d’une dizaine d’années au texte insiste sur le fait que le facteur de la mondialisation et des délocalisations renforce les difficultés pour rendre la politique effective. En outre, Ellul prend l’exemple de la Chine maoïste totalement idéologisée pour mettre en avant les limites de la politique. La chine maoïste devait échouer et devait finir par se tourner vers la voie industrielle occidentale.

En conclusion, le livre paraît à la lecture en partie arbitraire dans sa manière d’argumenter, et pourtant Ellul reste particulièrement pertinent et intéressant. L’illusion politique paraît parfois avancer des analyses contradictoires qui paraissent finalement logiques lorsque l’on prend un peu de recul sur la globalité du texte.

Seingalt
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lectures de deux mille vingt-trois

Créée

le 31 mai 2023

Critique lue 41 fois

2 j'aime

Seingalt

Écrit par

Critique lue 41 fois

2

D'autres avis sur L'Illusion politique

L'Illusion politique
doriavcn
7

Contre l'hégémonie de l'Etat, pour la responsabilité individuelle

Ellul attaque fort : le marxisme serait aujourd’hui dépassé car l’aliénation économique aurait été remplacée par l’aliénation politique. Affirmation ambitieuse qui peine à convaincre : on verra...

le 20 juin 2023

1 j'aime

Du même critique

Soul
Seingalt
4

Réchauffé au four à micro-ondes

L'exposition qui va à une vitesse folle, l'impression de voir le scénario s'écrire sous mes yeux tellement tout coche les cases du scénario classique d'un film d'animation. Le personnage principal...

le 25 déc. 2020

33 j'aime

9

Titane
Seingalt
4

Le naufrage du Titane

Dans une dimension parallèle, Titane est un film sublimement chaotique. Ici et là, de savoureuses bribes laissent entrevoir une vision profondément originale et jouissive du cinéma selon Ducournau...

le 14 juil. 2021

26 j'aime

5

Le Diable, tout le temps
Seingalt
6

He felt lucky that someone was giving him a ride

Le Diable, tout le temps, c'est une multiplicité de personnages dont les destins violents s'entrecroisent. La violence, la vengeance et la religion sont les dénominateurs communs à toutes ces pauvres...

le 17 sept. 2020

26 j'aime