Troisième livre d'affilée pour Ian Livingstone. Va-t-il succomber au surmenage, ou bien ce surcroît de travail lui permettra-t-il d'affiner ses talents ? Est-ce le début de la rédemption, ou de la chute ?


Comme d'habitude avec Ian, vous incarnez un mercenaire de base, sans options. Votre objectif est d'aller délivrer de pauvres villageois capturés par une tribu d'Hommes-Lézards maléfiques qui s'est installée dans l'ancienne colonie pénitentiaire / complexe minier d'une île tropicale, à l'ombre d'un volcan. Pour mener à bien cette quête qui vous conduira dans les profondeurs de la jungle, vous ne pourrez compter que sur votre épée… ah, non ! Il s'avère que vous avec un compagnon : un ancien camarade d'aventure nommé Mungo… ah, non ! Il s'avère que Mungo meurt au bout de trois paragraphes, et ce quoi que vous fassiez. Hélas, pauvre Mungo, nous t'avons si peu connu ! Étais-tu un garçon d'une verve infinie, d'une fantaisie exquise ? Nous ne le saurons sans doute jamais.


Cet épisode introductif, bien connu des fans, symbolise assez bien le livre dans son ensemble : une tentative malhabile d'amener de nouvelles choses dans une recette qui commence à sentir le réchauffé, mais qui échoue faute d'ambition, de talent, de temps ou d'envie. L'idée d'avoir un compagnon de route, déjà ébauchée dans le Labyrinthe de la Mort, aurait pu ici être développée plus avant, avec des règles de combat adaptées, des dialogues qui ajouteraient un peu de sel au texte : il faudra s'en passer. De la même façon, le bouquin culmine sur une scène au potentiel considérable, avec une grande bataille entre les Hommes-Lézards et leurs anciens prisonniers, libérés par vos soins. Inutile d'espérer une simulation de combat à grande échelle, où vos choix stratégiques auraient des conséquences : le bouquin refuse obstinément de devenir intéressant en vous racontant toujours la même bataille, quel qu'ait été votre parcours pour y arriver.


Je veux bien concéder que la formule livingstonienne est un peu secouée : les scènes qui se succèdent sont parfois reliées les unes aux autres, et on sort enfin de la routine des choix gauche-droite aléatoires avec l'arrivée timide de quelques choix informés, même s'ils restent très rudimentaires (allez-vous prendre la direction de cette colonne de fumée ou l'éviter ?) et minoritaires. L'île du Feu donne tout de même moins l'impression d'être un simple donjon repeint que la forêt des Ténèbres ou le Port-du-Sable-Noir. Si l'atmosphère de la jungle est bien rendue, avec les petites touches caractéristiques du style de Livingstone (ou de ses traducteurs ?), sa faune n'a en revanche rien de bien extraordinaire. Le marais est rempli de sangsues, la rivière de crocodiles, la jungle de pygmées et de chasseurs de têtes, et la montagne de femmes des cavernes (une brune et une blonde, toutes deux illustrées : merci Alan Langford ! ça rédimerait presque ton illustration du combat final où le Roi-Lézard nous présente sa croupe comme une femelle babouin en chaleur). Ne ressortent du lot que quelques bonnes idées (le Gonchong) et d'autres assez discutables (que fait un Ours dans la jungle ?).


Livingstone a beau vous dire dans l'introduction que « vos chances de succès sont très faibles », la difficulté n'a en réalité rien à voir avec les deux opus précédents : les objets indispensables sont peu nombreux et facilement trouvables, tandis que d'autres vous facilitent bien la vie si vous vous donnez la peine de les chercher. C'est un peu dommage que cette amélioration ne soit en fait que la conséquence d'une plus grande linéarité : qui dit moins de chemins dit moins de mauvais chemins, c'est sûr, mais cela diminue également l'intérêt des relectures. Un domaine où la difficulté ne diminue pas, en revanche, c'est les combats. Beaucoup sont difficiles et inévitables : dès le moment de la mort de Mungo, un adversaire avec 10 points d'Habileté se présente, sachant que la vôtre est comprise entre 7 et 12.


J'incline tout de même à faire preuve de clémence vis-à-vis de ce livre. Il est très loin d'être parfait, mais constitue tout de même une lecture agréable, et même si l'exécution laisse beaucoup à désirer, on peut au moins souligner les efforts de Livingstone.

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le 24 janv. 2015

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Tídwald

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