Dés les premières pages, ce roman m’a fait penser à American Psycho de Bret Easton Ellis en moins trash bien entendu.On retrouve en effet de nombreuses similitudes notamment sur Wall Street et ses requins de la finance,les golden boy.Les deux romans commencent également pratiquement de la même façon,les narrateurs énoncent la liste de leurs biens de consommation,leurs marques comme si ces objets définissaient qu’ils étaient:intelligent,beau,branché,tendance.Mais la similitude entre les deux romans s’arrêtent là car les deux personnages sont à l’opposé bien que tout deux soient des victimes d’une société qui prône le superficiel,le pouvoir de l’argent.

Ben Bradford a tout pour être heureux du moins en surface mais à l’intérieur c’est l’implosion:son couple prend sérieusement la tangente,son corps commence lui aussi à monter des signes de fatigue,ses achats ne suffissent plus à cacher le vide existentiel de sa vie et surtout il n’est pas heureux.Ben a toujours voulu être photographe mais pour faire plaisir au paternel il est devenu avocat dans une grosse boite.Et dés ce moment,sa vie ne semble qu’une succession de fatalité,de renoncement et d’obligations vis à vis de son père et de sa famille.C’est un personnage tout en contradiction,qu’on pourrait dire faible mais je le qualifierai plutôt de lâche.L’inconnu lui fait peur alors même s’il est malheureux dans sa vie professionnelle et personnelle,il préfère subir que réagir car c’est quelque chose qu’il connait déjà,c’est rassurant et presque confortable alors que lâcher tout,c’est devoir tout recommencer sans l’assurance de réussir à nouveau .Son malaise n’est pas feint,il prend des cachets pour l’estomac il ne dort plus et il parle de « dépression domestique » pour qualifier sa famille,famille au sein de laquelle on le sent étranger,peu concernée par celle-ci.Je me demande comment on peut être aussi malheureux au sein de son propre foyer et comment on peut y rester surtout.Paradoxalement(et c’est l’expression de toute la contradiction du personnage) quand Ben va commencer à tout perdre,il va enfin sortir de sa paralysie et voir combien il tenait à sa femme,à ses enfants.La femme de Ben quant à elle est l’expression parfaite d’un couple à la dérive,elle passe son temps à acheter pour oublier qu’elle est une auteure ratée et réduit au seul statut de mère au foyer.Elle rejette sa frustration sur Ben qu’elle accuse d’être le responsable de tous ces maux en oubliant elle-aussi qu’à tout moment elle aurait pu dire « non,ça suffit ».D’une certaine façon,elle est aussi lâche que son mari et souvent injuste avec ce dernier.Et là encore,on peut se demander comment on peut autant s’aimer et autant se détruire dans un couple,d’où certainement l’intérêt de se construire totalement de se réaliser avant de rencontrer la personne avec qui on va vivre.

La destin va se montrer très ironique avec Ben,après avoir commis l’irréparable il va s’offrir un second souffle et démarrer une nouvelle vie.Cette nouvelle vie va lui donner tout ce qu’il avait toujours espéré,rêvé mais les fantômes du passé ne sont jamais loin de lui.Signalons quant même au passage que ce Ben a une chance de cocu mais parfois la vie peut tout donner mais aussi tout reprendre et vous laisser plus perdu que jamais.Je ne m’attendais pas à une fin comme celle là comme quoi on peut être prêt à tout pour le personne que l’on aime.Ben a muri ou renoncé(les deux vont de pair je trouve),son personne donne l’impression de toujours espérer un ailleurs où une meilleure vie l’attend,il semble toujours sur le départ avec le besoin viscéral de toujours fuir.

L’homme qui voulait vivre sa vie est un roman très bien écrit bien que certains rebondissements m’ont paru un peu rocambolesques.Certains passages sont trop lents ou inutiles mais impossible au lecteur de lâcher le livre pour autant.Il pose également la question de l’identité ,la place de l’individu dans une société en perte de valeurs.Une société qui place l’argent au devant de tout et dont le salaire à plusieurs zéros induit forcément une réussite sociale et d’être heureux.Tout ceci est bien sur factice et Ben l’a bien compris tout comme son supérieur Jack.Ils font parti de ceux qui font semblant,qui entrent dans la danse parce qu’il le faut et ils l’intègrent parfaitement et jouent le jeu tant bien que mal.Comment vivre dans une société où tous les riches hommes d’affaires s’habillent obligatoirement chez Burberry ou Ralph Lauren,côtoient les mêmes endroits cosy ultra branchés et select pour manger ou sortir.Comment peut-on se préserver dans un tel circuit fermé,où on nous dit quoi porter quoi manger quoi vivre quoi penser?!L’homme n’a plus de pouvoir de décision,c’est juste une marionnette vitrine aux mains de la consommation.D’ailleurs,je vous conseillerai de voir le film la Famille Jones (très bien)qui va de pair avec cette chronique.
Missbale974
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le 19 sept. 2012

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Missbale974

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