Un labyrinthe plus vaste qu'il n'y parait

Ce qu'il y a de remarquable chez Silverberg, c'est qu'il est universel en matière de sous-catégories du roman d'anticipation : fantasy, dystopies, voyages temporels, fantastique et là, maintenant, exploration spatiale avec extra-terrestres. Tout en maintenant, cela va sans dire, un niveau de qualité littéraire homogène. De quoi lui pardonner les fréquents glissements priapiques de ses diverses narrations, celle-ci ne faisant pas exception à la règle.

A vrai dire, ici, plus que le côté galactique du scénario, ce sont les trois personnages du bouquin qui en forment l'ossature et entrainent le lecteur dans une exploration de l'âme humaine tout à fait pertinente. Qui pourrait aisément, sans en souffrir, se transposer dans à peu près n'importe quel monde ou univers. D'abord, le politicien, habile, carriériste et roublard, pour qui la fin justifie les moyens et qui profite sans remords des (menus) avantages que lui offre sa position dans la société. Ensuite, l'exécutant, énergique et talentueux, mais dont le politicien a poussé un peu loin l'exploitation des capacités, au point qu'il en a recueilli de graves séquelles et conçu une misanthropie incurable. Enfin, le jeune idéaliste, qui ressemble au précédent lorsqu'il était plus jeune (avant qu'il ne devienne misanthrope) et, qu'évidemment, le politicien va tenter de manipuler de la même façon qu'il le fit autrefois avec l'exécutant. Y parviendra-t-il ? C'est ce que l'on découvre en lisant ce bouquin...

Toujours est-il que ces trois portraits sont confondants de justesse et que leur relation triangulaire amène à un dénouement poignant, qui fait briller une lueur humaniste sur des sujets aussi fondamentaux que le pouvoir, le destin, la communauté humaine, les idéaux, la jeunesse, le mensonge et la vérité, pour n'en citer que quelques uns. Le tout formant un véritable labyrinthe, sans doute matérialisé par celui dans lequel se déroule le plus clair de l'action. Alors que la science-fiction est assez largement considérée dans certains milieux comme un sous-genre, voilà un bouquin qui démontre brillamment qu'elle peut accoucher d'ouvrages auxquels on peut sans hésiter accoler le qualificatif de littéraire.