L'Arrache-cœur
7.5
L'Arrache-cœur

livre de Boris Vian (1953)

Lors d'une promenade dans ce qui semble être un village breton, le héros de notre roman, Jacquemort est attiré par des cris inhabituels provenant d'une maison perchée sur une falaise. Il s'y rend et ce qu'il voit une fois arrivé confirme ses suppositions, dans le salon se trouve une femme sur le point d'accoucher. Fort heureusement, notre homme est médecin, même si son domaine est la psychiatrie, il connait les rudiments nécessaires pour soulager la patiente inattendue. Une surprise ne vient jamais seule, les nouveaux nés à venir sont trois, et impossible de trouver le futur père, en effet, celui-ci est enfermé dans une chambre depuis des mois, son épouse le menaçant d'un revolver s'il sort. Elle lui en veut à mort de l'avoir mise dans cet état. Avec l'aide de la bonne, tout finit par bien se passer et les enfants naissent, une paire de jumeaux: Noël et Joël et un bébé plus taciturne aux grands yeux noirs : Citroën. Après les évènements, le psychiatre décide de s'installer chez la toute nouvelle famille. Il explique à Angel, le mari, enfin délivré de sa prison, qu'il est un être tout neuf et vide, et qu'il a besoin de psychanalyser des gens afin de s'inspirer de leurs désirs et humeurs pour se forger un caractère. Son hôte est sceptique mais l'encourage dans sa démarche. Jacquemort s'essaye d'abord sur la bonne, mais celle-ci préfère se livrer à des ébats plutôt que de se confier à lui, et l'être en devenir décide de se rebattre sur les habitants du village. Mais quel étrange peuple vit dans ces terres. Il rencontre tout d'abord des paysans vendant leurs vieillards pour des fins sexuelles ou tout simplement sadiques, bradés pour leur manque d'enthousiasme ou au contraire prenant de la valeur quand il leur manque les dents... Bien que n'ayant pas de valeurs bien installées, Jacquemort est profondément choqué de leur comportement. Il n'est pas au bout de ses peines, les apprentis sont interchangeables et on s'en sert jusqu'à usure totale, pire encore que des machines, les animaux, eux, parlent, vivent leur vie, mais sont punis de mort (atroces) au moindre pas de travers. Personnage marquant s'il en est, la Gloïre, réceptacle de la honte de tout le village, dont l'emploi est de repêcher avec, ses dents, diverses horreurs jetées par les habitants dans le cours d'un ruisseau dont la boue est colorée par le sang. Tout cela aux côtés de Clémentine, jeune mère perdue puis plus qu'exemplaire, trop exemplaire, avec ses triplés aux étranges dons.

L'arrache-cœur, un OVNI littéraire, du surréalisme dans tout son art. Boris Vian est un grand écrivain, il peut dire n'importe quoi, c'est toujours agréable à lire. Les phénomènes étranges arrivent par petites touches dans le livre, avec une gradation qui nous amène à la folie humaine dans tout son excès, mais en gardant une certaine poésie. Au début on se demande si les personnages sont fous, si l'auteur utilise des métaphores, ou si il faut prendre les lignes au premier degré. Et bien personnellement, je suis partisane de la dernière optique, comme pour les films de David Lynch. Beaucoup aiment à se torturer le cerveau, pour trouver des explications freudiennes, des clins d'œil à des religions oubliées, des codes secrets, ou que sais-je encore, ce qui, je pense est voulu par ces artistes. Alors qu'il suffit de prendre les choses comme elles viennent et d'accepter le monde qu'ils nous donnent, sans a priori. Vian ne se prend pas au sérieux, il alterne les personnages ridicules, comme le prêtre du village avec sa vision luxueuse de la religion, et ses show de combat de boxe contre le diable, et des dialogues de philosophie assez pointus. Cependant on peut déceler une certaine critique sociale, dont l'auteur est un habitué, que ce soit dans le personnage de Clémentine hypocondriaque par procuration, dans celui du curé ou dans la pratique de la fameuse foire au vieux. J'aime beaucoup le personnage de la Gloïre, archétypal, un peu le passeur du fleuve des morts, qui va se lier au héros plus que celui-ci ne l'aurait voulu. Un livre délassant, qui m'a fait rire, mais qui ne m'a pas touché, je ne me suis pas sentie grandie après l'avoir lu contrairement à certains romans ces derniers temps. Cependant ça reste une expérience et un bon moment à passer. J'apprécie le personnage et son œuvre en général.
Diothyme
7
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le 21 févr. 2011

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