Trois corps charriés par la mer, emmenés au bord d’une île. Commence la débandade de quelques personnages. Cacher le corps ? Révéler le fait aux autres habitants ? Le Maire préfère la tranquillité de son île. C’est le silence qu’on convoite de chacun. Aucun mot, aucune parole à propos des cadavres d’hommes noirs. D’ailleurs des noirs, les insulaires n’en ont jamais vu. Hommes d’autres contrées qu’ils ne cotoient pas, n’espèrent pas, préfèrent rester à leur consanguinité blanche.
Débute ainsi le fourmillement de la culpabilité. Sentiment s'immisçant entre les fissures, craquelures de l’âme de chacun. L’un souhaite comprendre d’où viennent ces hommes, d’autres s’accusent de l’absence de sépulture. Mais le silence gagne sur la verve qu’ils ne parviennent pas à phraser. Seule l’île ose s’exprimer, ce Brau qu’on entend à plusieurs reprises entre les pages, comme un avertissement, une colère frémissante sous les grains de sable.
Un personnage chavire l’habitude. Etranger. Sa présence bouscule également le lecteur. De l’île, on pensait qu’aucun allochtone ne pouvait y venir. Impression d’un paradis, et peu à peu conscience qu’il s’agit d’une prison. Il se nomme Commissaire, n’en porte qu’un galon mensonger. On y suppose parfois une représentation du diable entre ses mots sibyllins. Il est venu avertir lui aussi, comme un écho au Brau, mais aussi à cette odeur pestilentielle (présente depuis le début du roman) qui s’agrippe aux narines, s’infiltre sous les vêtements.
Les présages s’accumulent.
Comme des plaies.
La folie.
La honte.
La curiosité.
Le plus ignoble de l’humain est montré.
On le désosse de sa parure, on l’offre en pâture au lecteur.
Comme un avertissement.
Une fable cruelle.
Reflet de notre société.