La chronique littéraire sur les radios de l'Arc jurassien

Akira Yoshimura est un monument de la littérature japonaise, mais sa traduction française est délivrée au compte-gouttes, comme si l'on ne pouvait supporter le poids de toute son œuvre.
L'arc-en-ciel blanc est un recueil de quatre nouvelles tournées vers la mort. Quatre textes écrits entre 1953 et 1964, dans le Japon de l'après-guerre.
Une après-guerre dont il est difficile de se relever économiquement et émotionnellement. «L'arc-en-ciel blanc», la première nouvelle, raconte comment Ayako se marie sans révéler qu'elle porte déjà un enfant. Un mois avant la proposition de mariage, elle se fait violer par un soldat américain mais n'arrive pas à se résoudre à le dire.

Les trois autres nouvelles, «Un été en vêtements de deuil», «Étoiles et funérailles», et «Le mur de briques», sont narrées par des enfants. Des enfants démunis qui n'ont que la peau sur les os. Les os, Yoshimura les aime bien. Adolescent, il a failli être emporté par la tuberculose. Féru de toutes sortes de revues médicales, il découvre une opération expérimentale en Allemagne et se porte candidat : il se fait enlever 5 côtes et comprimer le poumon pour stopper la maladie. Ces 5 côtes, qu'il pourra contempler, il les décrit comme «si fraîches et si belles», et l'opération lui aura permis de vivre contre toute attente, jusqu'en 2006, à l'âge de 79 ans.

La précision des mots, la clarté et la fraîcheur de ses descriptions apportent une certaine candeur aux écrits de Yoshimura. Les enfants de ses nouvelles ont beau parfois être cruels, ils n'en demeurent pas moins attendrissants, comme le petit Kiyoshi, qui vit avec sa grand-mère malade. Fasciné par les insectes, les poussins et les escargots du jardin, il va aider sa grand-mère à exaucer son vœu : rejoindre son fils défunt.
La mort plane également sur le destin de Hisae et Kiyota, une petite fille et son grand-frère, qui meurent de faim. Leur mère, dépourvue, pend au plafond trois nœuds coulants. Elle hésite entre suicide et remariage contre l'avis de Kiyota, qui ne veut pas d'un nouveau papa.
Akira Yoshimura nous entraîne dans ses nouvelles comme dans un voyage. Sa veuve raconte qu'il écrivait très vite, et voyageait beaucoup pour vérifier des points de détail, comme la couleur de la poussière soulevée par les sabots des chevaux. Sa curiosité se ressent énormément, mais jamais il ne se perd en descriptions inutiles. Il va droit au but et libère sa plume de toute lourdeur.
Il n'y a pas de lenteur chez Yoshimura, tout est pur, net, poétique. Le seul regret que j'ai est de ne pas pouvoir dévorer l'entier de son œuvre qui est gigantesque, et dont les traductions ne sont pour l'instant que les prémices.
Mei-mei
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le 4 avr. 2012

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