Attention, ce que je vais dire peut choquer: je n'avais jamais lu Bradbury avant ce tout petit roman! C'est dommageable, puisqu'au fond, il y avait sûrement bien des oeuvres plus adaptées pour découvrir cet auteur qui est assurément de talent. Mais allez savoir pourquoi, au gré de mes lectures et différents passages en librairie, j'ai toujours soigneusement évité ces classiques. Je trouve rarement attirante l'idée de lire une oeuvre qui a déjà été disséquée dans tous les sens, sur laquelle tout a été dit et où la réflexion a été si loin qu'on est à peu près convaincu, une fois le livre refermé, qu'on a loupé à peu près quinze niveaux de lecture. Mais cette fois-ci, ce petit livre de Bradbury a tout de suite attiré l'oeil: rares sont les bouquins qui s'intéressent à Halloween, tout comme les fans de cette petite fête. J'ai toujours, le 31 octobre, une excitation toute particulière qui est rarement partagée. On finit toujours par regarder des films d'horreur entre copains, et c'est une putain de soirée. Mais ça n'empêche: cette fête, si merveilleuse et excitante soit-elle, est reléguée au second plan une fois passé à l'âge adulte.


Alors quand j'ai découvert la quatrième de couverture qui vantait à la fois poésie, Halloween, beautés de l'automne et enfance, je n'ai pas mis longtemps à me décider!
Et déjà, première surprise: l'écriture de Bradbury! Ne le connaissant pas, je m'étais mis en tête qu'il avait une écriture très classique, très "inerte". C'est, évidemment, tout l'inverse tant l'écriture de cet auteur s'apparente à un feu d'artifice! Ses mots sont en chute libre, ils explosent aléatoirement et insufflent au récit un mouvement effréné, colossal! La vie déborde de cette écriture, se faufile entre les mots, pulse à chaque ligne. C'est véritablement une merveille, ça m'a rappelé Fante et Brautigan dans toute cette véracité, cette honnêteté, cette énergie. Prenez par exemple cette description, à titre d'exemple:



Joe Pipkin est le môme le plus fabuleux qui ait jamais vu le jour. le
plus joyeux gamin qui soit jamais tombé d'un arbre, en proie à un fou
rire à cause de cette bonne blague. le plus valeureux gosse qui, près
de gagner une course à pied où ses copains traînassent comme des
limaces, ait jamais perdu exprès l'équilibre pour mordre la poussière,
les attendre et franchir en même temps qu'eux la ligne d'arrivée. le
plus merveilleux enfant qui ait jamais déniché toutes les maisons
hantées de la ville, si difficiles fussent-elles à découvrir, et soit
revenu signaler aux autres leur existence pour els emmener prospecter
les caves, gravir les murailles chargées de lierre, mugir dans les
cheminées, piétiner les flaques sur les toits comme des gorilles qui
beuglent ou des chimpanzés qui dansent. le jour de la naissance de
Pipkin, toutes les bouteilles de soda du monde se sont ouvertes en
pétillant; et de folâtres abeilles sont venues par les prés et les
champs piquer rombières et demoiselles. A la date de son anniversaire,
les eaux du lac refluent en plein été, puis reviennent décharger sur
la rive un raz-de-marée d'enfants, un déferlement de corps alertes où
bouillonne une écume de rire.



Et la description est bien plus longue, toujours plus belle et vivante! L'écriture de Bradbury secoue: elle mêle poésie et une action qui jamais ne cesse ou perd en intensité. C'est ceci que j'ai le plus aimé, dans cet petit livre: ça décoiffe et c'est magnifique.
Sur le pur plan narratif, l'histoire n'est pas vraiment transcendante. On comprend bien vite que le livre lorgne sur le style de récit qu'on avait pu lire chez Dickens, notamment ses cantiques de Noël. J'avais lu il y a 5 ans "A Christmas Carol" le 24 décembre, et je me rappelle de cette vague d'émotions formidables, qui m'avait sans difficultés tiré des larmes sincères... "L'arbre d'Halloween" n'atteint, malgré son écriture sublime, à aucun moment un tel niveau d'émotion. Néanmoins, c'est suffisant pour que l'adhésion du lecteur soit complètement conquise. Rajoutez à cela la petite pagination et vous voilà face à un livre on ne peut plus facile à lire.
Bon, que vous dire de plus? "L'arbre d'Halloween" est un petit bouquin extrêmement agréable à lire. Loin d'avoir de grandes ambitions, il remplit son rôle à merveille, notamment grâce à l'écriture géniale de son auteur: sublimer l'automne, et nous en apprendre plus sur cette fête sous-estimée qu'est Halloween. Une histoire simple et accrocheuse permettra au lecteur un moment de grand plaisir.
En bref, une réussite. Et surtout: je me suis procuré dès le lendemain les "Chroniques Martiennes". On ne peut pas se passer d'une écriture comme celle-là!

Wazlib
8
Écrit par

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le 16 avr. 2017

Critique lue 209 fois

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Wazlib

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