Critique initialement publiée sur mon blog : http://nebalestuncon.over-blog.com/2018/01/l-appel-de-cthulhu-de-lovecraft-et-baranger.html


LE GRAND LOVECRAFT ILLUSTRÉ


Comme une confirmation (parue un peu avant) du contenu de Lovecraft au prisme de l’image : François Baranger, illustrateur qui avait peut-être surtout fait parler de lui (très diversement) en science-fictionnie pour son gros roman Dominium Mundi, a livré il y a peu une superbe interprétation de la plus célèbre des nouvelles du gentleman de Providence, « L’Appel de Cthulhu ».


Globalement, je ne suis pas très « beaux livres ». J’en ai peu dans ma bibliothèque, et rares sont les textes pour lesquels je suis près à débourser un peu plus de sous pour en acquérir une version joliment illustrée. Il y a bien quelques exceptions, et, clairement, au premier chef, Tolkien – ce qui entre en résonnance avec le présent volume, puisqu’il est préfacé par John Howe, un des plus fameux illustrateurs du philologue oxonien (avec Alan Lee et quelques autres, comme peut-être Ted Nasmith, dont j’avais apprécié Le Silmarillion). Tout récemment, par ailleurs, même si ça n’a pas été l’élément déterminant de ma participation au financement participatif, j’ai pu apprécier, avec un ravissement certain, les très beaux livres de « l’intégrale » de Clark Ashton Smith chez Mnémos, tandis qu’au format « beau livre » le Gotland de Nicolas Fructus et Thomas Day avait indéniablement de la gueule.


Mais justement, puisque je tourne visiblement autour : si j’ai lu et relu Lovecraft, je n’ai pas forcément eu le réflexe de le faire dans des éditions illustrées. Non que j’adhère à la thèse souvent avancée, et un peu trop légèrement à mon sens, de l’impossibilité supposée de représenter Lovecraft (thèse qui revient ici dans la préface de John Howe, bizarrement) : une nouvelle comme « L’Appel de Cthulhu », à vrai dire, incite à la représentation, même si elle a bel et bien un caractère de défi – simplement, pas tant au regard du thème de « l’indicible », ça se joue à un autre niveau. C’est seulement que ce que j’avais pu voir jusqu’à présent était plus (Breccia, Druillet…) ou moins enthousiasmant (en faisant la part des adaptations, car ce n'est certes pas tout à fait la même chose).


L’acquisition de cette version illustrée de L’Appel de Cthulhu n’avait donc rien d’une certitude fanique, me concernant – d’autant que, prompt à la dépense « au poids », réflexe certes idiot, je ne suis pas vraiment porté à mettre 25 € dans une nouvelle déjà lue. Ce prix, pourtant, n’a à l’évidence rien d’une escroquerie en l'espèce, je suppose même qu’on peut le trouver plutôt généreux, au regard du magnifique objet-livre, enrobé d’une belle jaquette. Car le travail accompli est admirable – et feuilleter un tantinet l’ouvrage incite déjà à la compulsion d’achat. Son format démesuré (je ne m’attendais pas à ça, ça a été une grosse surprise) y participe aussi – de manière très appropriée, puisque la démesure est sans doute au cœur du propos.


UNE NOUVELLE TOUJOURS AUSSI FHTAGN


Cette chronique, pour l’essentiel, va concerner le travail d’illustration effectué par François Baranger. J’ai régulièrement eu l’occasion de dire quelques mots de la nouvelle « L’Appel de Cthulhu » (le plus récemment, c’était dans ma bibliographie raisonnée en vingt-cinq titres figurant dans Lovecraft : au cœur du cauchemar), et ne me sens pas forcément d’y revenir une fois de plus, du moins pas maintenant.


Cela ne m’a pas empêché de relire cette nouvelle (ici dans la traduction de Maxime Le Dain). Oui, encore une fois. Et le bilan demeure : cette nouvelle est toujours aussi fhtagn ! Elle fait partie de ces rares textes que je peux lire et relire sans me lasser – mieux, que je trouve encore meilleurs à chaque relecture. C’est un immense chef-d’œuvre, d’une richesse admirable.


Ce qui n’exclut pas des aspects éventuellement critiquables : outre la question du racisme (j’y reviendrai brièvement, mais c’est bel et bien, des « grands textes » de Lovecraft, un de ceux où ce fâcheux trait de l’auteur s’exprime le plus ouvertement, sans aller jusqu’au « Cauchemar d’Innsmouth »), et celle encore plus bateau de son hyperadjectivite cyclopéenne et impie, je n’ai pu m’empêcher de vaguement pouffer au regard d’un procédé que j’avais certes déjà remarqué, hein, mais sur lequel je me suis davantage penché à l’occasion de cette relecture : la tendance du narrateur à dire « il ne faut surtout pas parler de tout ça, je n’aurais jamais dû le lire, je ne dois pas l’écrire, personne ne doit le faire, ne me lisez pas, je vais détruire ce manuscrit », etc., justement en écrivant ce rapport… Ce qui se retrouve ailleurs dans la bibliographie lovecraftienne (je suppose qu’on pourrait parler des Montagnes Hallucinées, où c’est peut-être un peu plus subtil), et constitue probablement un avatar, tout de même plus acceptable, de la pratique du journal intime rempli jusqu’à la toute dernière minute, quitte à coucher sur le papier ses délires terminaux avec une ponctuation malmenée (si je me souviens bien, Frank Belknap Long va plus loin encore dans « Les Chiens de Tindalos », avec son narrateur qui écrit son hurlement de terreur – une anticipation bien risible du « Castle of Aaaaarrrrrrggghhh » des Monty-Python…).


Mais c’est un détail. L’essentiel, c’est que cette nouvelle demeure toujours aussi forte, et unique, relecture après relecture, et qu’elle y gagne même toujours en intérêt. C’est ce qui fait les chefs-d’œuvre.


(Oh, en parlant de « détails », mais là c’est la mise en page qui est concernée : je renâcle souvent à la lecture en grand voire très grand format ; même le jeu de rôle, où c’est pratique courante, me pose des difficultés à cet égard – trop de texte en une seule page, avec des colonnes, je trouve souvent ça fatiguant, sans être en mesure de dire pourquoi… Mais ça n’a pas du tout été le cas ici : au-delà du plaisir des yeux tenant à la qualité des illustrations, la mise en page a su demeurer équilibrée pour que la lecture suive un rythme continu, très adapté à la progression des images, et très agréable en tant que tel. Je note aussi le jeu bien vu de l’article de journal représenté tel quel au tout début de la troisième partie de la nouvelle.)


AUTOUR DE LA NOUVELLE


Rapidement, mentionnons qu’il y a une sorte de très bref paratexte. Et tout d’abord une préface de John Howe, un des plus fameux illustrateurs de Tolkien, notamment, et à vrai dire une star en son domaine – je suppose que François Baranger a dû frétiller, et il y avait de quoi, en obtenant pareil parrainage.


Ceci étant, le contenu même de cette préface est inégalement pertinent – John Howe semblant même avancer que Lovecraft n’a été que « peu » illustré. Ce qui est absurde : il l’a été énormément ! Mais rarement « bien »… Je vous renvoie à Lovecraft au prisme de l’image, une fois de plus – entre autres ; les amateurs de BD pourront aussi jeter un œil au Guide des comics lovecraftiens de Patrice Allart, par exemple.


Ceci étant, ce qui m’a le plus déstabilisé dans cette préface, même si vous pourrez trouver ça mesquin de ma part, c’est cette très déconcertante note de bas de page (de celles qui sont fatales, ça arrive…) expliquant que « L’Horreur surnaturelle dans la littérature », texte de 1927, est « non traduit en français »… Il existe à ma connaissance trois traductions françaises différentes d’Épouvante et surnaturel en littérature. Aheum. Bon, ce manque de sérieux ne semble pas affecter le reste du bouquin. Mais qui a commis cette note ? Je doute que le traducteur de la nouvelle, Maxime Le Dain, ait pu faire pareille bourde, il semble connaître sa matière… Bon, ça n’a rien de grave, mais voilà, quoi.


En parlant de notes : l’ouvrage se conclut sur une « Note de l’éditeur », un bref paragraphe portant sur le racisme de Lovecraft. Quand j’ai vu ça, j’ai d’abord haussé un sourcil, mais, au fond, ça n’a rien de bien problématique. À vrai dire, cette note a peut-être davantage de quoi faire hausser les sourcils dans ses protestations (relevant à mes yeux de l’évidence) de ce que l’on peut et doit toujours lire Lovecraft dans un monde où le racisme de l’auteur jure et pas qu’un peu, que dans le constat un peu désabusé (et indéniable) de ce racisme. Mais OK. Si l’on y tient, ça me va. Peut-être même cela sera-t-il profitable à certains lecteurs, les novices surtout.


Au moins, ce n’est pas cette abomination, entrevue il y a quelque temps de cela sur Internet, d’un guignol américain ayant publié une édition de « The Call of Cthulhu » expurgée de son vocabulaire tendancieux – un délire puritain très américain, « F-word » et compagnie (enfin, plutôt « N-word », ici…), mais, surtout, une consternante démonstration de bêtise : ledit guignol croit-il vraiment que c’est le lexique de Lovecraft qui pose problème, au regard de la question de son racisme ? Tout particulièrement dans une nouvelle telle que « L’Appel de Cthulhu » ?! Ça, ça me sidère et ça m’énerve, ce révisionnisme idiot : on ne récrit pas, bordel. Qui plus est de manière aussi stupide. Heureusement, la « Note de l’éditeur », ici, ne va pas du tout dans ce sens – en fait, qu’elle se « cache » un peu en toute dernière page du volume m’a presque fait sourire, eh…


VOIR LA DÉMESURE


Mais venons-en à l’essentiel : les illustrations de François Baranger.


Le choix d’une nouvelle telle que « L’Appel de Cthulhu » a ses conséquences, au regard des principes d’illustration. Bien loin des textes qui mettent le plus en avant le concept d’indicible, comme « La Couleur tombée du ciel » ou, dans un autre registre, « La Musique d’Erich Zann », ou de ceux qui usent de divers procédés pour « cacher » le monstrueux, comme « Celui qui hantait les ténèbres », « L’Appel de Cthulhu » fait partie de ces récits (avec également, je suppose, d’autres choses comme Les Montagnes Hallucinées ou « Dans l’abîme du temps ») où Lovecraft montre, sans ambiguïtés. Ce n’est pas un hasard s’il y a tant de représentations picturales de Cthulhu lui-même (incomparablement plus que de tout autre Grand Ancien), et cela ne doit pas uniquement, je crois, à la célébrité de la nouvelle, envisagée de manière « abstraite » : si l’auteur use d’un certain nombre de procédés pour exprimer ce que sa représentation a de déconcertant (par exemple, la description en forme d’inventaire à la Prévert, à la fois dragon et pieuvre, etc., ou « l’anti-description » consistant à dire ce que la chose n’est pas plutôt que ce qu'elle est), il n’en reste pas moins que, dans la nouvelle, et à plusieurs reprises, on voit Cthulhu.


On le voit d’abord au travers d’objets d’art le figurant : le bas-relief de Wilcox, la statuette trouvée par Legrasse dans le bayou, celle enfin trouvée à bord du bateau fantôme ; c’est le procédé de l’ekphrasis (je vous renvoie à l'article de Denis Mellier dans le numéro 1044 d'Europe) dont la plus célèbre utilisation, chez Lovecraft, se trouve dans la nouvelle « Le Modèle de Pickman » (nouvelle d’ailleurs contemporaine de « L’Appel de Cthulhu », ce n’est probablement pas un hasard).


Mais, à la toute fin de la nouvelle, on voit directement Cthulhu… ou, plus exactement, Johansen et ses hommes le voient directement ; nous, nous ne le voyons qu’au travers du récit de Johansen, tel que le narrateur nous le rapporte – procédé de distanciation courant, et à vrai dire essentiel, dans cette nouvelle (dont l’emploi le plus vertigineux se trouve dans les rapports de Legrasse décrivant le Culte de Cthulhu à partir des informations que lui transmettent les adeptes de Louisiane, comme Castro).


Cependant, si Lovecraft nous montre Cthulhu, il insiste au moins dans une égale mesure sur son caractère résolument non humain, aliène. Peut-être pas, toutefois, avec autant d’audace que dans certains textes ultérieurs (« La Couleur tombée du ciel », Les Montagnes Hallucinées, « Dans l’abîme du temps ») : Cthulhu, d’une manière ou d’une autre, demeure largement anthropomorphe. Mais, dans le texte, il se singularise surtout par la démesure – et c’est le parti adopté par François Baranger dans ses illustrations, de manière très pertinente : il se montre ici fidèle à l’esprit de la nouvelle, et peut-être davantage que bien des représentations pourtant jugées « canoniques » de Cthulhu, mais autrement timides au regard des proportions. Le Cthulhu de François Baranger, comme celui de Lovecraft, fait des centaines de mètres de hauteur – et c’est ainsi, classiquement, que ressort l’insignifiance de l’humanité, réduite à la taille insectoïde : l’horreur cosmique peut donc s’exprimer ainsi, même avec une créature qui n’est pas aussi frontalement « inhumaine » que bien d’autres, ultérieures, du bestiaire lovecraftien. En fait, au-delà de Lovecraft, je tends à croire que François Baranger a pu piocher dans les kaijû eiga : une illustration prophétique montre d’ailleurs Cthulhu ravageant une mégalopole, tel un avatar apocalyptique de Godzilla. Pourtant, là encore, même les plus colossaux des kaijû font figure de nains au regard de la démesure de ce Cthulhu-là. Avouons par ailleurs que le très grand format du livre est particulièrement propice à ce genre d’effets d’échelle – le résultat est très convaincant.


Mais le caractère non humain de l’ensemble relève aussi d’un autre procédé, à savoir la figuration de R’lyeh – à maints égards bien plus problématique que celle de Cthulhu. Il y a ces « angles étranges » qui défient la description et la représentation. François Baranger, pour rendre cette (ces) dimension(s), a, je crois, eu recours à deux principes de figuration : la démesure, une fois de plus (le monolithe d’abord aperçu par les marins vaut bien Cthulhu lui-même à cet égard), et le choix d’angles de vue incongrus, avec des jeux de perspective déconcertants. Le résultat manque peut-être un peu d’audace, mais pas de pertinence – et produit assurément son effet, même s’il aurait peut-être été possible d’aller plus loin.


Notons enfin, corollaire de tout ce qui précède, l’emploi d’une palette connotée, qui privilégie, outre les ombres noires se fondant dans les angles des pages pour laisser de la place à l’écrit, à des teintes bleuâtres ou verdâtres qui conviennent aussi bien à la créature Cthulhu qu’à son environnement océanique, que François Baranger représente déchaîné et intimidant de par sa majesté infinie mais tourmentée, nouvel effet d’échelle achevant de dissoudre l’humanité dans le néant, via quelque maelstrom où plongera nécessairement la risible car minuscule barque où les rares survivants s’entassent dans le vain espoir d’échapper à l’inéluctable.


DES GRANDS ANCIENS ET DES HOMMES


Vous me direz peut-être que j’ai commencé par la fin, avec Cthulhu, R’lyeh, et l’océan déchaîné. C’est parfaitement exact, mais j’ai mes raisons : c’est là que les illustrations de François Baranger sont les plus saisissantes, et c’est aussi là qu’il s’attarde le plus, en raison d’une mise en page qui associe à chaque « planche » toujours un peu moins de texte, ce qui a pour double conséquence de multiplier les illustrations en modifiant le rythme de lecture, pour coller davantage à l’action. Et c’est très pertinent, très à propos. De la sorte, outre qu’il respecte les effets produits par le texte de Lovecraft, l’illustrateur, à la fois, se fait plaisir et nous fait plaisir…


Il se passe bien des choses d’ici-là, cependant – les deux premières parties de la nouvelle ne sont pas aussi spectaculaires que la troisième et dernière (à quelques exceptions près, j'y reviendrai), mais François Baranger ne les néglige bien sûr pas pour autant. Simplement, ces moments du récit mettent davantage l’accent sur les personnages humains, comme de juste. C’est – forcément ? – un peu moins enthousiasmant, car la sidération n'est pas de mise, mais demeure très bien fait.


Et quelques visions s’avèrent particulièrement saisissantes – je relèverais bien, par exemple, l’artiste hurlant dans son lit à l’asile, dans un dortoir où il souffre seul, un classique du genre, mais qui produit à n’en pas douter son effet, ou, plus inattendu, l’inspecteur Legrasse déboulant dans le congrès des archéologues, attirant les regards dans son costume hard-boiled (chapeau mou, imperméable, cigarette au bec et volutes de fumée) passablement anachronique (cette scène de flashback est supposée avoir lieu en 1908), mais finalement pertinent (et sans doute aussi amusant).


Cette scène, par ailleurs, est l’occasion de mentionner que les séquences « humaines » de cette édition illustrée de L’Appel de Cthulhu peuvent faire usage d’une palette de couleurs plus étendue, et comprenant des couleurs plus « chaudes » que les séquences maritimes et cthulhiennes : ici, par exemple, le jaune. Effet de contraste, dès lors, entre les moments « en retrait » où l’action est en pleine lumière, et ceux, comme le dortoir de l’asile, ou telle remise abritant de dangereuses archives, où la nuit, les ombres, les recoins inaccessibles, le froid même, envahissent la page avec un caractère bien autrement menaçant ; ceci dit, les couleurs chaudes du jour produisent nécessairement des ombres, où patientent par exemple quelques « métis » prêts à commettre un sale coup…


Mais, en fin de compte, là aussi, la démesure peut être de la partie. Une des scènes les plus fortes de cette version illustrée, mais à vrai dire aussi de la nouvelle « pure », est la cérémonie prétendument « vaudou » dans le bayou de Louisiane, à laquelle Legrasse et ses hommes de la police de la Nouvelle-Orléans entendent mettre un terme. L’action est ici « humaine », donc, mais envisagée par François Baranger avec une certaine distance qui met en valeur l’inquiétante folie païenne du rituel meurtrier. Par ailleurs, la progression des illustrations est là encore en parfaite adéquation avec le rythme du texte, et rapporter ce qu’il en est pourra peut-être en témoigner. Nous voyons d’abord les fourgons de policiers s’enfonçant dans la très menaçante végétation du bayou, tordue, pourtant éclairée par un lointain brasier au centre haut de l'image, brasier que l’on sait plus menaçant encore – illustration efficace, mais au prix éventuellement d’un nouvel anachronisme, qui passe peut-être moins bien que celui précédemment cité (les véhicules, vus de loin certes, me paraissent un peu trop modernes pour 1907 ?) ; ensuite, image plus connotée encore, mais bienvenue, nous voyons les policiers (sans visage du fait de la luminosité réduite) s’enfoncer dans ce qui, à ce stade, relève de la jungle la plus sauvage, percluse d’ombres inquiétantes et même hostiles ; enfin, contraste marqué et saisissant, nous voyons, de loin, et pourtant dans l’intégralité d’une double page heureusement grotesque, le brasier du sacrifice humain dans toute sa splendeur satanique, qui, à nouveau réduit l’humanité à la plus sordide insignifiance – celle, matérialiste, de la simple viande morte offerte en sacrifice à des dieux qui n’en ont que faire. C’est très fort, très efficace.  


VIVEMENT LA SUITE !


Jugement qui vaut donc pour l’ensemble de l’ouvrage. François Baranger a accompli un très beau travail, qui met superbement en valeur le génial texte de Lovecraft. Dans le champ si périlleux de l’illustration lovecraftienne, il a su faire preuve du talent et de la pertinence nécessaires pour se situer d’emblée tout en haut de la pyramide.


Or il semblerait que cet Appel de Cthulhu doive être suivre par d’autres titres – il est présenté comme faisant partie, déjà, d’une série ou collection intitulée « Les Récits de Howard Phillips Lovecraft illustrés par François Baranger » (ce qui a le mérite d’être clair). Je suis très emballé à l’idée de voir paraître d’autres volumes dans ce goût-là


Ou à vrai dire dans un autre goût tout autant ? Car il y a une multiplicité des registres lovecraftiens. L’Appel de Cthulhu joue donc de la monstration et de la démesure, mais je serais curieux de voir comment François Baranger se débrouillerait avec des textes plus ambigus à cet égard, voire jouant plus ouvertement de l’idée d’indicible – ce qui laisserait aussi du champ pour les récits oniriques des Contrées du Rêve, dans un genre presque diamétralement opposé.


Je ne sais pas ce que l’avenir et François Baranger nous réservent – mais je suis curieux, et j’ai un a priori plus que favorable, après l’éclatante réussite de cet Appel de Cthulhu.

Nébal
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le 17 janv. 2018

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