Je ne connaissais pas Stephen Chbosky, et pour tout vous dire, j'ai fait ce qu'il ne fallait pas faire, à savoir me baser sur la couverture (mais ce livre est un cadeau, alors quelque part, je me dois de le lire, quelle que soit la couverture).

Parce que la couverture, elle est pas mal. Police biscornue, arbre tordu dans la nuit, même si la mise en page est bizarre ça annonce la couleur : du frisson, du mystère, et peut-être même un peu de magie païenne (quoi, ça vous fait pas penser à des sorcières ?). Mais est-ce que c'est bien ce à quoi je m'attendais ?


L'histoire commence avec Kate et son fils Christopher en train de fuir un ex-copain alcoolique et violent. Ils s'installent dans une petite ville où tout semble aller pour le mieux, jusqu'au jour où Christopher entend une voix... et c'est le début du bordel. Je m'explique :

On ne pourra pas reprocher à Chbosky son style d'écriture, bien au contraire (je l'ai lu en français, mais je suppose que le traducteur savait ce qu'il faisait) : le choix du temps de conjugaison m'a un peu surpris (au présent, sauf quelques flashback), mais on l'oublie très vite. Le style est simple mais efficace (plus que Stephen King par moments) et sert impeccablement le rythme, soutenu du début jusqu'à la fin. C'est ce qui est exceptionnel avec ce livre : malgré ses quelques 1000 pages, Chbosky arrive à nous tenir en haleine jusqu'au bout.


Mais cette qualité est aussi son défaut, car la fin (j'y reviendrai) est beaucoup trop attendue, et l'histoire mériterait d'être raccourcie d'au moins 100 pages, voir plus. Je comprends que l'auteur aime étendre son univers et ses personnages (pour le coup c'est réussi, beaucoup de personnages et chacun a droit à son "moment de gloire"), mais au bout d'un moment ça ressemble davantage à un épisode filler qu'à autre chose, et on serait presque tenté de sauter lesdits passages. Dommage, parce que les passages filler ne sont somme toute pas inintéressants, mais si ils sont bien au début de l'intrigue, ils n'ont pas vraiment leur place à la fin.


Pour le fond, l'intrigue est assez inégale. Le début est vu et revu mais efficace, l'intrigue se met tout doucement en place et la menace principale arrive lentement mais surement. On comprend très rapidement que le protagoniste (Christopher donc) entre en communication avec une sorte d'entité onirique (qu'il appelle "le gentil monsieur") qui le met en garde contre une présence malveillante (la "femme qui siffle"), qu'il semble être le seul à entendre. La menace grandit, grandit, s'étend sur toute la ville, et c'est à ce moment qu'on retrouve des similitudes avec Stephen King, à savoir une entité ou un groupe d'entités aux pouvoirs démesurés qui s'en prennent à une petite ville.

Puis c'est là que commence le bordel cité plus haut : Christopher, à force de communiquer avec ces entités, acquiert des pouvoirs étranges qu'il peut transmettre aux autres en les touchant, ce qui provoque une épidémie de folie dans la ville, des allers-retours de plus en plus incompréhensibles entre le monde réel et ce qu'il appelle le "monde imaginaire" (malgré une écriture claire, je rappelle) et une extension pas forcément nécessaire de l'histoire. Puis arrive la révélation finale (attention, gros spoil).

Le gentil monsieur est en fait le Diable et la femme qui siffle est finalement gentille et essaye de protéger Christopher tout en l'empêchant de le libérer sur la terre.

A ce moment-là, l'ennemi, qu'on croyait être la femme qui siffle, et qui avait l'air réellement dangereux et si puissant qu'il aurait tout à fait sa place parmi les Grands Anciens aux côtés de Rhan-Tegoth et Cthulhu, devient "bêtement" le Diable, c'est-à-dire un méchant qu'on a déjà vu un nombre incalculable de fois dans la fiction, au point qu'il ne terrifie pas autant qu'il le voudrait. Donc, à partir de cette révélation (qui intervient à la page 800 environ), l'histoire est à son extension maximale et souffre de ralentis considérables pour enfin vaincre le Diable par la force de l'amour. Ainsi, on se retrouve encore une fois face à une réécriture de la religion chrétienne, et toute l'intrigue construite autour du mystère de l'origine des entités provenant du monde imaginaire se vautre quand on comprend qu'elles ne sont rien d'autre que des personnages issus de la Bible. Non pas que je sois contre les fictions s'inspirant de la religion chrétienne, mais vous ne trouvez pas qu'on le voit un peu trop souvent ?

Quant à la toute fin, la menace que représentait le gentil monsieur (qui était déjà bien amoindrie quand on a su qu'il était le Diable) dégringole encore une fois pour s'écraser au plus bas car, mais oui mais oui, il n'y a pas un seul mort. Oui oui, personne ne meurt. Le Diable explique que pendant toute la durée des évènements, il fait en sorte que personne ne meure (même ceux qui se prennent une balle dans le cœur à bout portant, véridique), et comme il est vaincu à la fin, il n'y a vraiment personne qui passe l'arme à gauche. Les méchants comprennent leurs erreurs et deviennent gentils, les gentils restent gentils et le Diable est condamné à rester sur terre pour souffrir éternellement. Ah, et la femme qui siffle en fait c'est Eve et Dieu lui pardonne d'avoir manger la pomme en l'accueillant au paradis.

Pour résumer grossièrement, c'est 1000 pages de "le Diable il est méchant, mais Dieu il est encore plus fort."

Au final, malgré une écriture très solide et un rythme parfaitement maîtrisé, le livre souffre d'un défaut majeur, à savoir ce sur quoi repose son intrigue. Évidemment, s'il était sorti 40 ans en arrière il aurait très certainement été best-seller, mais malheureusement pour lui il n'est pas sorti il y a 40 ans, sur qui le rend un peu fade malgré une très bonne odeur.


Mais chapeau pour avoir écrit 1000 pages en seul livre.

Random_23
7
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le 2 août 2023

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Random_23

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