Kim
7.3
Kim

livre de Rudyard Kipling ()

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
Tu seras un homme, mon fils.


Extrait de « If- », de Rudyard Kipling


Pour être honnête, à l’exception de (la fin) de ce poème, probablement affiché dans les bureaux de tous les militaires du monde, je ne connaissais rien de Rudyard Kipling. Allez, étant quelqu’un de très instruit, je savais également qu’il avait écrit « Le livre de la jungle », et, grâce à Largo Winch, « Le chat qui s’en va tout seul » (cité dans deux albums différents par deux personnages différents, Van Hamme doit particulièrement aimer ce livre).


La découverte de « L’homme qui voulut être roi » par le biais de l’adaptation cinématographique de John Huston, et ma curiosité assez inexplicable pour son prénom ont fait que je me suis penché plus sérieusement sur cet écrivain anglais de la fin du XIXe siècle. Et, plus précisément, sur ses œuvres se déroulant en Inde, le pays qui l’a vu naître et pour lequel il éprouve une fascination compréhensible.


« Kim » se passe en Inde, donc. Le héros éponyme du bouquin est un jeune garçon, dont l’âge n’est jamais vraiment précisé, mais qui doit avoir entre douze et seize ans. Orphelin, issu d’un père irlandais et d’une mère indigène, Kim parle donc l’anglais et le vernaculaire (l’hindi, probablement). Très débrouillard, le garçon mène une existence indolente dans la grande ville de Lahore, subsistant en mendiant et à l’aide de petits larcins. Tout va changer lorsque, curieux et indiscret, il épie la conversation d’un Lama bouddhiste tibétain.


Par la force des choses, il en deviendra le disciple (chela), rejoindra une école britannique prestigieuse, se retrouvera mêlé au Grand Jeu de l’espionnage, et voyagera beaucoup en Inde, ce qui permettra au lecteur d’en profiter tout à loisir.


C’est le principal intérêt du livre. Kipling dépeint des paysages et des scènes très vivantes ; son amour de l’Inde transparaît à chaque page et ses connaissances, encyclopédiques, qu’il partage, sont passionnantes. Avec Kim et le Lama, on voyage dans ce pays gigantesque où les notions de frontières comme en Europe n’ont pas vraiment de sens : l’Inde constitue davantage un patchwork de régions peuplées d’habitants aux coutumes et croyances parfois très distinctes les unes des autres qu’une véritable "nation". On y croise Tibétains, Pachtounes, Bengalis, Sikhs… et quelques occidentaux : Britanniques, Français, Russes. Tous évoluent dans un univers riche, décrit avec une certaine économie de mots (parois un peu regrettable), mais néanmoins très viscéral.


L’accent est mis en particulier sur deux éléments : la religion – ou plutôt, les religions – et la nourriture. La quête de spiritualité est l’un des deux axes principaux du roman, Kim accompagnant un prêtre cherchant l’illumination. Durant son périple, de multiples allusions sont faites aux autres religions : christianisme, hindouisme, islam. La question de la nourriture, quant à elle, confine à l’excès… La principale motivation des deux personnages ne semble être que de se rassasier, une fois arrivés à l’étape suivante de leur voyage. À part « Hunger Games », je n’ai pas souvenir d’avoir lu un jour un bouquin où les personnages étaient à ce point obsédés par leur repas !


Le style de Kipling est, quant à lui, parfois un peu difficile à appréhender.


Le niveau de langue requis pour lire le texte original n’est pas insurmontable ; le texte est exigeant, mais le vocabulaire employé n’est pas particulièrement exotique. Afin de différencier les passages où les personnages parlent en anglais, et ceux où ils s’expriment en vernaculaire, Kipling emploie les pronoms du "vieil anglais" ("thou"). Si vous comprenez la phrase "thou shalt read thy book in English", vous devriez pouvoir vous en sortir…


La principale difficulté réside dans sa fâcheuse tendance à marquer peu de pauses entre deux paragraphes. Le récit est très – trop – fluide : on peut passer du coq à l’âne en l’espace de quelques lignes. Certains paragraphes peuvent être très denses, d’autres au contraire sont très courts. Cela peut être assez déstabilisant, et exige du lecteur une concentration permanente pour comprendre de quoi il retourne : il n’est pas rare de devoir remonter quelques paragraphes lorsque l’on se demande comment diable les personnages en sont arrivés là, au vu de leur situation quelques lignes plus tôt.


« Kim » est une lecture enrichissante, qui a le don d’immerger le lecteur dans l’Inde décrite et vécue par Kipling. Les aventures du garçon sont intéressantes, même si jamais passionnantes. Le livre possède surtout une valeur documentaire captivante, pour peu que l’on soit un tout petit peu intrigué par le sujet.

Aramis
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le 26 sept. 2016

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